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Chapitre 15
Point de vue d'Anna:
La violence du coup m'a bien sonnée. Je suis assise sur le sol en tenant ma tête entre mes mains. Mes oreilles bourdonnent. Je crois que Mathilda me parle et me demande si je vais bien mais je n'en suis pas sûre. Et puis, je ne pense pas être apte à lui répondre à ce moment précis.
Quelqu'un me prend par les épaules. Je dois avouée que finalement, je suis plus sonnée que je ne le croyais. On m'emmène jusqu'aux toilettes où l'on m'asperge le visage d'eau. Je me ressaisis peu après. Mathilda me regarde avec inquiétude.
"Comment te sens-tu Anna?
-Bien... Je crois.
Elle me fixe et se met à rire un peu.
-Tu m'as fait peur! J'ai cru que tu allais t'évanouir! Oh! Tu verrais ta tête, tu as une énorme bosse sur le front. "
Je me regarde dans le miroir qui est au-dessus du lavabo. Effectivement, sur mon front, une bosse est apparu. C'est laid et ça ne ressemble à rien du tout.
"Léo t'a pas loupé vu la trace que le ballon a laissé. C'est à croire qu'il l'a fait exprès."
Les paroles de Mathilda ont l'effet d'un électrochoc sur moi. Et si Léo m'avait visé? Après tout, il m'en voulait et il a peut-être voulu se venger? Cette perspective me fait froid dans le dos et je me mets à penser à Nolwenn.
Point de vue de Beverley:
Tout le lycée a une image bien arrêtée sur moi. Pour tous, je suis la jolie fille populaire avec un comportement de garce qu'il ne faut pas chercher. C'est l'image qu'on m'a donné quand je suis arrivé au lycée suite à un mentendu avec une terminale. Depuis, j'ai une "réputation" à tenir. Je me comporte comme les autres veulent que je me comporte. Je suis le reflet de l'image qu'ils ont de moi.
Je suis la "leader" du groupe de filles avec qui je reste. Mais ce n'est qu'une apparence. En réalité, c'est filles sont pires que moi. Je dois me montrer impitoyable avec elles. Si je ne le fais pas, l'une d'elles me crachera sur le dos à la première occasion. On dit que les gosses sont cruels entre eux. Et bien, j'ai un scoop pour vous, les lycéennes, c'est pire. Les apparences sont souvent trompeuses. Si je prends Amandine par exemple. On nous a collé une image de meilleures amies sur le dos. Alors on se comporte comme tel. Mais il faut bien comprendre qu'à la moindre dispute entre nous, on se tirera dans les pattes sans pitié. Parmi les filles avec qui je reste, l'amitié n'est qu'un mirage. En réalité, chacune de nous surveille attentivement à la fois sa parole et celle des autres.
Amandine a repéré depuis quelque temps, une fille qu'elle considère comme notre semblable. C'est-à-dire ambitieuse et mesquine. Et donc, depuis ce matin, Kim traîne avec nous. En tant que chef, je lui fais bien comprendre de ne pas chercher à me prendre ma place. Faut essayer de voir cela comme un petit royaume. Je suis la reine et les autres sont mes sujets.
Cependant, être la reine n'a pas que des avantages. Vous êtes soit adulée soit détestée. Et il faut bien comprendre que les gens qui vous adulent ne sont que des hypocrites à la recherche de popularité comme c'est le cas pour Kim.
Je ne l'avouerais pas sans doute jamais, mais il y a une fille que j'admire parmi ce troupeau de mouton sans cervelles que sont les élèves du lycée et il s'agit de Mathilda. Elle n'a rien de populaire mais au moins, elle ne cherche pas à cacher son mépris envers moi. Bien sûr, pour elle, je ne suis qu'une garce.
Cette année encore, je l'ai prouvée en m'attaquant dès le premier jour à la petite protégée d'Ethan. Anna est une fille sans répondant. C'était une proie simple. Facile de me faire passer pour la grande méchante en m'en prenant à elle. Une fille avec plus de caractère, cela n'aurait pas été aussi simple. Ma position affirmée, il m'est bien entendu à présent inutile de tourmenter encore cette fille. Je n'ai rien à y gagner.
Et puis, cette année, je fais partie du jeu. Être un pion est en quelque sorte l'apogée de mon image de peste. En étant dans les virginity games, on acquiert une certaine notoriété supplémentaire. Je ne me suis jamais demandée si c'était une bonne ou une mauvaise chose d'être pion. En devenir un durant mes années lycées était comme une sorte d’évidence que j'avais accepté depuis bien longtemps. A vrai dire, c'était même un but que je m'étais fixé.
Je reconnais que c'était une erreur. Je pensais que je ne serais pas atteinte par l'atrocité moral que représente les virginity games. Je me trompais. Je crois que je ne réalisais pas vraiment ce qu'était ces jeux avant d'y participer. Pour les joueurs, nous ne sommes plus des filles mais des objets, des joujoux qui leur servent de divertissement. Il n'y a que les plus idiotes comme Amandine ou Kim pour ne pas comprendre cette réalité.
Point de vue d'Anna:
A l'heure du déjeuner, alors que la plupart des élèves sont dans le self, nous sommes dans la cour, assises sur un banc avec Jenny et Mathilda. Alors que nous discutions de tout et de rien. En fait, tout et surtout tout qui peut nous faire oublier l'omniprésence des jeux. Chose impossible car juste en face de moi se trouve Robin. L'apprenti de Léo ne me quitte pas du regard. C'est assez dérangeant de se savoir observé sans cesse de la sorte. Si je me lève pour aller autre part, je sais qu'il me suivra. Pourtant, Léo a deux pions, il aurait pu demander à son apprenti et accessoirement cousin de surveiller Amandine. Il faut croire que ce n'est tout simplement pas mon jour.
"Oublie sa présence, me conseille Jenny. Les apprentis sont juste des chiens de garde. Vois plutôt sa surveillance comme une bonne chose.
-J'ai plutôt l'impression d'être un pâté qu'on surveille avant de le donner à manger.
Jenny a un sourire gêné à ma remarque et Mathilda soupire avant de sourire.
-Plutôt qu'un pâté, vois toi comme un trésor, c'est plus valorisant. "
Jenny et moi rions. Mathilda a détendu un peu l’atmosphère. Robin, comme s'il semblait avoir compris que nous parlions de lui, nous regarde d'un air méprisant. Mathilda ne peut pas s'empêcher de lui sourire avant de lui faire un "funk". Le garçon semble s'énerver et se retenir de venir nous voir. Il part hors de notre champ de vision.
"Ma petite Anna, faut que je t'apprenne un truc. Les apprentis n'ont pas le droit de nous faire du mal. Que se soit physiquement ou autrement ni de nous insulter. Ce qui est bien, c'est qu'à part les frapper, on peut faire ce qu'on veut envers eux", m'explique Mathilda.
C'est une bonne chose à savoir. Bon, c'est vrai que moi, je n'aurais pas fait ce geste même si je ne supporte pas du tout d'être surveiller de la sorte.
Tout à coup, nous entendons des cris venant d'uns dispute proche. Jenny identifie la voix de Kim. Elle se lève du banc pour aller voir ce qu'il se passe et nous la suivons.
Kim hurle sur une fille plus petite qu'elle avec de longs cheveux blonds presque blancs. Cependant cette dernière ne se laisse pas faire et répond avec autant de vigueur aux insultes de Kim. En voyant le bracelet identique à celui de Kim au poignet de la fille, je comprend que c'est l'autre pion de Nathan, Sam.
Alors qu'elles étaient sur le point de se sauter l'une sur l'autre pour se battre, Jenny intervient en se mettant entre elles.
"C'est quoi votre problème?!
Kim la regarde de travers.
-Elle est venue comme une furie me reprocher le fait que Nathan voulait passer un après-midi avec seulement moi", grogne Sam en croisant les bras sur sa poitrine.
Cette fille se rend compte que cette dispute est dénuée de sens.
Enervée, Kim tourne les talons et part en me poussant au passage. Je vacille un peu. Elle a de la force mine de rien.
Après ce petit incident, Sam reste avec nous. Le courant entre elle et Mathilda passe tout de suite. Sam est une fille qui n'a pas sa langue dans sa poche. Si elle a quelque chose à dire, elle le dit. En revanche, elle n'a pas cette mentalité de faire de la méchanceté gratuite. Elle me reproche de ne pas beaucoup participer à la conversation. Je lui dis simplement que je suis timide et réservée. Sam hausse un sourcil. Elle ne voit pas le problème.
Point de vue de Carolina:
La journée de cours vient de se terminer. Je passe à mon casier afin de poser les livres dont je n'ai pas besoin et aussi pour récupérer ma veste. Je regarde l'heure sur la montre à mon poignet. Byron doit m'attendre sur le parking de mon lycée. Il vient fréquemment me chercher depuis qu'il m'a choisi comme pion. Tout le monde en fait des tonnes par rapport aux virginity games. Je ne vois pas l'intérêt. A vrai dire, je m'en fiche que Byron m'ais choisi. Il ne peut me forcer à rien.
En réalité, ce ne sont pas les joueurs qui dirigent le jeu mais bien les pions. Je pense que les autres filles ne l'ont pas compris. A vrai dire, c'est même certain. Elles ne le comprennent pas pour plusieurs raisons: soient elles sont trop stupides, soient trop intimidées par les joueurs.
En tant que pion, le but des joueurs est de nous mettre dans leurs lits. Cependant, pour cela, ils doivent d'abord nous séduire et pour réussir, ils doivent bien se soumettre à quelques compromis. Malgré ce que tout le monde pense, les joueurs sont les véritables pions du jeu. Il suffit de s'en rendre compte et d'agir en connaissance de cause.
Lorsque j'arrive sur le parking du lycée, Byron m'attend, appuyé contre sa moto. Son casque à la main et une cigarette à la bouche. Il essaye de me faire la bise quand j'arrive à sa hauteur.
"Tu empestes. Ne t'approche pas.
Je grimace en même temps histoire qu'il comprenne bien que je ne supporte pas l'odeur de la cigarette. Byron jette sa cigarette avant de prendre un chewing-gum à la menthe.
-C'est mieux?
En guise de réponse, je lui adresse une haussement de sourcil puis une sourire. Byron me le rend.
-Bon allez, princesse, prends ton casque."
Je mets le casque que Byron laisse toujours à ma disposition. Il a prit l'habitude depuis qu'il m'a désigné comme son pion de venir tous les soirs me chercher pour me ramener chez moi. Je n'ai pas refusé car c'est bien plus rapide que de prendre le bus. Il monte sur sa moto et je me hisse derrière lui, m'accrochant à lui tandis qu'il démarre.
J'ai rencontré Byron l'an dernier à une fête d'un ami que nous avions en commun. Ce soir-là, il avait trop bu et il avait cherché à se faire toutes les filles présentes avant de tomber sur une déjà en couple et dont le copain n'avait pas apprécié les avances de Byron. Ils s'étaient battus. Je me souviens que je l'avais trouvé vraiment pathétique. Le copain de la fille l'avait bien amoché. Tous les invités étaient repartis à leurs préoccupations une fois que le mec avait fini de donner une correction à Byron. Il était par terre, presque évanouit. Je trouvais vraiment minable de le laisser dans cet état alors je l'avais aidé à se rendre dans la salle de bain pour désinfecter ses plaies. Quand on voit Byron, on peut s'attendre à un mec plutôt costaud mais ce soir-là, monsieur avait été une vraie chochotte: pleurnichant car le désinfectant lui piquait la peau. C'est assez comique quand j'y repense. Après la fête, il avait voulu me prouver qu'il n'était pas une mauviette et m'avait invité à sortir au cinéma avec lui. J'avais décliné car un mec pleurnicheur, non merci. Byron avait insisté à un tel point que j'avais fini par céder et lui accordé un rendez-vous. On avait ensuite eu l'occasion de se revoir quelques fois jusqu'au moment où il m'avait choisi comme pion.
Je ne connaissais pas ce jeu stupide avant d'avoir le bracelet autour du poignet. Je me souviens lui avoir dit qu'il était un vrai gamin pour participer à ce genre de jeu. Et puis, il ne m'avait pas laissé le choix. Je l'avais très mal pris au début puis je m'étais résignée en me disant que ce jeu n'avait pas que de mauvais côtés. La preuve, je rentre plus tôt chez moi gratuitement tous les soirs. Et puis, Byron m'a aussi invité à venir avec lui à la plage où il m'avait payé une glace. Je sais qu'il espère à la fin qu'on couche ensemble mais j'en ai décidé autrement. Je me demande jusqu'où un joueur est capable d'aller pour séduire l'un des pions. Malgré tous les mensonges et les belles paroles qu'ils doivent dire, il doit bien exister un fond de vérité, non?
Byron ne me laisse directement devant chez moi. Il sait que je tiens à ce que mes parents ne le voit pas. Ils pourraient croire que c'est mon copain alors que ce n'est absolument pas le cas. J'ai failli sortir avec lui une fois, je comptais lui demander. Byron a tout gâché car c'était ce jour-là qu'il m'avait mis son bracelet autour du poignet. Autant dire qu'il avait brisé tout ce que j'avais pu espéré de lui en une seconde. Si Byron avait voulu joué avec moi, c'est à présent moi qui joue avec lui.
"Merci.
Je descends de sa moto et lui rend le casque qu'il me prête et qu'il range.
-Mais de rien, c'est toujours un plaisir de te raccompagner.
-De même."
Je commence à rentre chez moi mais je m'arrête en l'entendant prononcer mon prénom.
"Un ciné, ça te dit? me propose-t-il.
-Faut voir si je suis dispo ou non.
-Normalement, tu es censée être toujours disponible pour moi, princesse.
-J'ai autre chose dans ma vie à gérer que tes hormones en manque de compagnie câline, Byron.
Je souris en voyant sa tête déconfite.
-Ok, ok... tu m'envois quand tu es libre par message et on s'en fera un.
-Tu m'invites, n'est-ce pas?
-C'est évident, Carolina."
Je sais qu'il ne compte pas payer ma place si nous y allons. Je ne pas non plus tout me faire offrir par lui. Il repart avec sa moto.
Une fois chez moi, je lui envois un message lui proposant la séance du samedi soir d'un film d'action. En revanche, je lui précise aussi que j'aimerais que nous n'y allons pas que tous les deux. J'apprécierais si son apprenti ou si un joueur avec l'un de ses pions venait avec nous. En effet, je commence à bien le cerner Byron, dans une salle noire, je le vois bien tenté de m'embrasser ou poser ses sales pattes sur mes genoux. Je me doute qu'il n'est pas ravi que je lui demande que nous y allions avec d'autres personnes.
Point de vue d'Anna:
Léo a attendu la fin de la journée pour s'excuser du coup qu'il m'a mis avec le ballon.
"C'était pas intentionnel.
-Heureusement! "
Léo regarde en direction de mon front et de la bosse qui s'y trouve. Il se gratte l'arrière de la tête, visiblement un peu gêné. S'en veut-il de m'avoir lancé le ballon accidentellement dessus? J'ai bien du mal à le croire. Le vrai soucis est là dans ce jeu. Les joueurs sont tellement habituaient à mentir que quand ils disent la vérité ou ce qui y ressemble, on ne discerne pas le vrai et le faux. C'est d'ailleurs assez perturbant de douter de toutes les paroles d'une personne.
"Pour me faire pardonner, je t'inviterais à sortir un de ces jours.
Il ne perd pas le nord à ce que je peux constater.
-On verra. Je ne suis pas sûr de vouloir passer du temps avec quelqu'un qui me lance des ballons à la figure.
Il soupire.
-On verra qui aura le dernier mot, ma belle."
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