• Chapitre 37

    Point de vue d'Anna:

    Je ne sais pas tenir ma langue lorsque quelque chose m'arrive. Généralement, je le dis aux personnes dont je suis proche, en l’occurrence: Ethan. Mais il n'y a pas que lui puisque je compte dans les personnes qui sont proches de moi aussi Mathilda et Jenny. C'est donc assez naturellement que je finis par leur dire ce qu'il s'est passé dans la salle de musique entre Léo et moi, deux jours plus tard après que cela se soit passé. 

    Jenny me regarde, un peu choquée, mais ne me gronde pas contrairement à Mathilda qui est tout de suite monter dans les tours, me secouant comme un prunier. 

    "Mathilda, arrête. Tu vas finir par lui faire mal, me défend Jenny en posant une main sur l'une des épaules de la blonde. 

    Mathilda lui obéit mais continue de me gronder verbalement.

    -Tu es inconsciente, Anna! Léo sait qu'il peut te manipuler s'il le veut et quand il le veut. Et il le fera. Il est à égalité dans leur stupide jeu avec Ethan, et ils sont en première place. 

    -Nathan est hors de course, enchaîne Jenny, tout comme mon frère. Il a beau encore avoir ses deux pions, il ne montre aucun intérêt pour Beverley. Il est sans cesse en train de chercher à impressionner Carolina qui, cet imbécile ne voit rien, a renversé les rôles. C'est presque Byron le pion et Carolina la joueuse. Même si c'est faux.. Enfin, bref, mon frère ne peut pas gagner car Carolina ne fera rien avec lui, tant qu'il sera dans les virginity games, en tout cas... Ils s'embrassent des fois, je le sais, Byron m'en parlent avec un air suffisamment stupide sur le visage pour que je remarque bien que ce nigaud est amoureux.. Mais elle le mène par le bout du nez. Il ne reste donc plus qu'Ethan et Léo. Or..

    Mathilda termine le raisonnement. 

    -Or, Ethan sait qu'il ne peut rien espérer de toi. Du coup, il lui reste Beverley ou moi pour essayer de gagner. Et vu qu'il n'a pas l'air franchement emballé par séduire Beverley, j'ai cru comprendre qu'il tentait sa chance avec moi. Léo a les même choix de pions, or, il me prend pour un cerbère et ne m'approche presque pas à moins de trois mètres. Lui non plus n'accorde aucune importance à Beverley, Anna, je te laisse deviner qui il lui reste?

    -Moi.."

    Ce raisonnement, je l'ai déjà fait dans ma tête hier soir. Et j'en suis arrivée aux même conclusion que mes deux amies. Le problème est que je ne sais pas comment je réagirais si Léo venait me parler. Est-ce que je céderais? J'espère bien que non mais je n'ai aucune certitude. 

    Puis, notre discussion s'oriente vers un sujet moins houleux. Je dois dire que cela me rassure. Je n'aurais pas supporté encore longtemps qu'elles continuent de me faire la morale. 

    Plus tard dans la journée, Léo veut me parler. Je donne un coup de coude à Mathilda, qui est juste à côté de moi, à ce moment-ci. Elle comprend immédiatement et, sans réfléchir, sur un ton tout naturel, elle me dit de manière haute et forte:

    "Anna, j'ai oublié quelque chose dans mon casier, tu viens  avec moi le chercher?"

    Elle me sourit et je m'empresse d'accepter. Léo me regarde d'un air furieux car il a très bien compris que je cherchais à l'éviter. Son simple regard me glace le sang et je détourne aussitôt le mien vers ailleurs. Lorsque nous nous sommes éloignées, Mathilda me réprimande légèrement:

    "Anna, dis-toi bien que Léo est comme une bête sauvage, si tu as peur, il le sent. Et ce n'est pas une chose pour toi. 

    -Je le sais bien. Mais..

    -Pas de mais, il faut vraiment que tu arrives à garder un visage impassible et que tu arrives, au moins, une fois,   à lui montrer qu'il ne te fait pas peur.

    -C'est facile à dire pour toi. 

    -Et pour toi aussi, ce serait simple si tu faisais plus d'efforts. "

    Je me défends en lui rétorquant que je fais déjà des efforts et que, j'ai même fait d'énormes progrès. Mathilda est forcée de le reconnaître même si elle obtient le dernier mot avec l'argument que j'ai encore un long chemin à parcourir. 

    ***

    Nous nous rapprochons de la fin de l'année. J'ai l'impression que les jours défilent bien plus vites qu'avant. Les examens de fins d'années arrivent, eux aussi, à grands pas. Le bac n'est plus si loin et les mes révisions, j'ai l'impression qu'elles sont au point mort. Quand je ne suis pas au lycée, j'ai l'impression de ne plus avoir de vis sociale, plongée constamment dans mes cours afin de me sentir prête pour les épreuves qui m'attendent. 

    Au lycée, jusqu'ici,  j'ai toujours évité Léo, d'une façon ou d'une autre, je suis devenue une sorte d'experte  pour l'éviter. Ma lâcheté me fait honte. Mathilda est pas mal courtisée par Ethan. Elle l'envoie moins balader qu'avant mais elle continue de le faire. Elle a finalement admis qu'Ethan n'était pas quelqu'un de spécialement détestable même si elle ne passerait pas tout son temps avec. Elle continue d'affirmer qu'il peut toujours se mettre le doigt dans l'oeil pour obtenir son bracelet. Et sur ce point, je sais qu'elle est inflexible. 

    Je suis dans une période assez stressante pour ma part. La période de révisions pour le bac. J'ai peur de ne pas avoir le temps de tout apprendre. Et si je n'ai pas le temps, je ne pourrais m'en prendre qu'à moi, car cela voudra dire que je ne ne m'y suis pas mise assez tôt ou que je me suis trop laissée distraire. 

    Au final, les jours défilent sans que je ne m'en rende spécialement compte. J'ai l'impression, par moment, que le temps défile et que je ne suis que spectateur de tout ce qui passe autour de moi. Et franchement, c'est très désagréable comme impression. 

    Jenny m'a plusieurs dit avec, une certaine inquiétude, que je me mettais trop la pression pour des examens encore trop loin. Elle me trouvait fatiguée et me répétait que je ne tiendrais pas à cette cadence jusqu'au bac. Et j'aurais dû l'écouter. Car si je me mets déjà la pression et que je me suis mise à réviser comme une folle alors qu'il nous reste encore pas mal de temps, je n'ai pas pris de médicaments. Je sais que certains en prendront pour gérer leur stress. Ma mère m'avait acheté des vitamines que j'avais commencé  à prendre, chaque matin, mais je les oublie très souvent. 

    Nous sommes actuellement à notre troisième cours de la journée, en pleine heure de physique-chimie. Mathilda, en me voyant, ce matin, m'a dit que j'étais bien pâle et m'a demandée si j'allais bien. Naturellement, je lui ai répondu que tout allait bien que j'étais sûrement peut-être un peu fatiguée. 

    J'ai, en ce moment, beaucoup de mal à me concentrer en cours. L'appel du sommeil cherche à avoir raison de moi. Je tente de lutter contre lui de toutes mes forces. J'ai tellement de mal à garder les yeux ouverts. Je finis par m'écrouler, tout d'un coup, de fatigue, perdant connaissance. 

    Lorsque je me réveille, je ne suis plus dans la salle de classe. Et j'ai très mal à la tête. Je suppose que j'ai dû me la cogner en tombant. On m'a déplacé de la salle de classe jusqu'à l'infirmerie. L'infirmière remarque que je suis réveillée, elle n'était pas loin et vient me voir immédiatement et m'assomme de questions. Je cligne des yeux ne comprenant que la moitié de ce qu'elle me dit. Voyant que je ne suis pas vraiment au meilleur de ma forme, elle arrête de me poser autant de questions. Elle me conseille de me reposer encore un peu ici avant de s'éloigner. Je tourne mon regard vers la pendule accrochée au mur. Cela doit,  sûrement, faire, au moins, une heure que je suis ici. 

    Je ferme les yeux et les rouvre en entendant des bruits de pas se rapprochant du lit sur lequel je suis. Je pense, tout d'abord, à l'infirmière. Mais ce n'est pas elle. 

    "Léo? 

    Je me frotte les yeux pour vérifier que ce n'est pas une hallucination. 

    -Je ne suis pas un fantôme, inutile de me regarder comme si je venais d'une autre planète.

    J'allais lui demander ce qu'il faisait ici mais il me devance en me répondant directement: 

    -Je venais voir si tu t'étais réveillée. Tu sais que tu as fichu la frousse à toute la classe en tombant, tout d'un coup? On était tranquille en cours quand on entend un gros boum! Le pire, je pense que c'était Mathilda, elle nous a pété un câble pour qu'on t'emporte le plus vite possible, ici. 

    -On?"

    Léo m'apprend que lui et un autre garçon de notre classe m'ont porté jusqu'à l'infirmerie une fois que l'infirmière est venue pour être certaine que me transporter ne serait pas dangereux pour moi. Je lui demande alors ce qu'il fait encore ici. Il m'explique qu'il vient d'arriver et qu'il voulait simplement savoir si je m'étais réveillée. 

    Un silence s'installe entre nous deux. Je ne regarde pas Léo mais je sens une sorte de gêne qui émane de lui. Dans la coin de mon champ de vision, je le vois se gratter la nuque d'un air embarrassé. Il me semble un instant qu'il cherche ses mots. 

    "Anna? finit-il par m'appeler d'une voix assez peu audible. 

    -Oui? 

    Il met un certain temps avant de répondre:

    -Tu te souviens de ce jour dans la salle de musique? 

    Je grimace. Bien sûr que je m'en souviens. Et j'aurais aimé qu'il ne me le rappelle pas. Je n'ai pas envie d'en parler. Je veux simplement virer cet épisode de ma mémoire. Vu ma tête, il déduit facilement que je vois parfaitement ce dont il me parle. 

    -J'étais énervé ce jour-là. J'avais besoin de me défouler et c'est tombé sur toi comme cela aurait pu tomber sur quelqu'un d'autre. Je voulais te dire que je ne pensais pas les choses ignobles que j'ai pu te cracher au visage ce jour-là. 

    -C'est un peu tard pour venir t'excuser.

    -Tu te moques de moi? J'ai essayé ! Mais tu m'as esquivé dès que je voulais venir te parler."

    Je regarde Léo. Il me fixe attendant ma réponse. Il veut savoir si je lui pardonne la manière dont il a été détestable ce jour-là. Et je n'ai pas envie de le faire. Je me suis sentie humiliée, même s'il n'y avait que lui. Il s'est moqué de moi pour après me balancer des mots affreux qui me reste en mémoire et qui me font du mal. Même si je lui disais ce qu'il attend, je ne le penserais pas. 

    "Même si tu ne le pensais pas, tu l'as dit. Tu étais énervé. Si cela se trouve, au fond de toi, c'est ce que tu penses vraiment."

    Léo ne me répond pas. Il regarde le sol avec une étincelle de colère dans les yeux. Je ne saurais dire envers quoi cette colère est dirigée. Contre moi? Contre lui? Regrette-t-il? La réponse à cette dernière question est évidente : oui, il regrette. Je le vois presque transpirer le regret par tous les pores de sa peau. C’est légèrement répugnant comme image à s'imaginer mais c'est ce qui selon moi, reste le plus parlant.  

    Léo hoche la tête d'un geste dynamique. Ce n'était pas ce qu'il voulait entendre. Je vois sa mâchoire se crisper. Il se met alors à me fixer à nouveau et je peux lire une grande détermination dans ses yeux océans. 

    "Je te prouverais que je ne pensais aucunement ces mots à ton sujet."


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