• Point de vue d'Anna:

    "Bonne année!"

    Cette phrase est criée partout autour de moi. La bonne humeur se lit sur tous les visages. En cet instant, je ne peux pas m'empêcher de réagir comme eux tous. La joie est une émotion contagieuse apparemment. 

    Tout le monde s'embrasse en se souhaitant une bonne et heureuse année. Je me retrouve entraînée dans ce tourbillon. Je ne connais même pas certaines personnes.  Je crois Carolina qui me fait la bise avec un grand sourire, juste derrière elle, il y a Byron. Léo est prêt de moi. Comme il me l'a dit plus tôt, il ne compte pas me lâcher d'une semelle et il exécute ses paroles. 

    Un court moment, je me retrouve face à Ethan. Il ne sait pas ce qu'il s'est passé un peu plus tôt dans la soirée. Il a un grand sourire sur les lèvres. 

    "Bonne année, Anna!"

    Je n'ai même pas le temps de lui dire quoique se soit qu'Ethan se retrouve emporter par la foule, éloigné de moi. Je voulais pourtant lui parler. En effet, j'ai certains éclaircissements à lui demander... Ce n'est pas le moment, apparemment. De toute façon, il a disparu de mon champ de vision. 

    Je décide de me faufiler hors de la foule d'invités qui se souhaitent avec trop d'enthousiasme la bonne année. Pour ma part, je n'imaginais avoir le moral  à zéro ce soir-là. Je sens une main attraper mon bras. Je me retourne. C'est juste Léo. Je ne vais donc pas me débarrasser de lui. J'ai l'impression qu'il me materne depuis qu'il est intervenu pour m'aider, tout  à l'heure. 

    Peu après, je commence à avoir sommeil. En fait, j'espère être dans un rêve et qu'en me réveillant, tout sera différent. Ron ne serait pas en réalité aussi sournois, Ethan n'aurait pas joué avec Jenny... Ma naïveté me perdra un jour si cela n'est pas déjà fait depuis longtemps. 

    "Qu'est-ce que tu fais? 

    -Je vais dormir, Léo, je suis fatiguée."

    Je me dirige vers la pièce où, en général , se trouve la machine à laver et le fer à repasser. Ethan m'a dit se serait là que je dormirais. Nous avons poussés la table à repasser et installer un matelas à la place lors de l'après-midi. Je ne suis pas surprise de constater que Léo me suit. Il me l'a dit non? Il compte bien dormir avec moi... Même si cette idée m'agace fortement. De toute façon, peu importe ce que je dirais, il ne lâchera pas l'affaire.

    "Je vais dormir, tu n'as pas besoin de me surveiller.

    -Tu ne vas pas te débarrasser de moi de cette façon, tu le sais, non? "

    Je ne répond pas. Le matelas que j'ai installé avec Ethan est un matelas une place. Je vois Léo s'installer dessus sans gêne. Je ne vais sûrement pas dormir aussi proche de lui. Je songe à dormir à même le sol du coup. 

    "Qu'est-ce que tu attends ? Je croyais que tu avais sommeil. 

    -On logera pas tous les deux sur le matelas. 

    -Si, il y a assez de place si on est assez proche."

    Mon visage se teinte d'une gêne qu'il remarque aussitôt. Léo soupire.

    "Je ne vais rien te faire. Qu'est-ce que tu crois? Que je vais profiter de toi ?

    C'est plus la situation qui m'embarrasse. Alors que j'allais le signifier, il reprend.

    -Franchement, Anna. Déjà, c'est une de nos règles, je n'ai pas le droits de te forcer pour ce genre de choses, même n câlin, je n'ai pas le droit de te forcer de m'en faire un, il faut que cela vienne de toi. Et puis, si j'avais envie de passer un bon moment, ce n'est pas toi que je viendrais voir."

    Ce qu'il vient de dire me vexe un peu et me rassure à la fois. C'est étrange à expliquer. Il me dit ensuite que dormir par terre est loin d'être agréable et que il me réaffirme que je n'ai rien à craindre. 

    Au final, je ne sais pas lequel de nous deux fait un caprice. Ce que je sais, en revanche, c'est que je finis par m'allonger à côté de lui. Je suis fatiguée, je n'ai pas envie de parler avec lui ou de me disputer. Je veux juste pouvoir me reposer. 

    Nous sommes moins proches que je ne le pensais à ma grande joie. En face de moi, je peux apercevoir la fenêtre de la pièce. Dehors, le ciel nocturne brille de l'éclat des étoiles.

    "Qu'est-ce qui ne va pas?

    Alors que je commence à m'endormir, la question de Léo atteint mes oreilles. 

    -Quoi? dis-je avec étonnement. 

    -T'as pas l'air dans ton assiette. Ron t'a-t-il dit quelque chose en particulier de perturbant? 

    Je me tourne vers lui et je constate qu'il me regarde. Malgré l'obscurité environnante, il fait tout de même assez clair pour que je distingue ses yeux. Deux pierres scintillantes dans lesquels la Lune se reflète. Léo n'est pas un joueur pour rien, il a le physique qui accompagne son caractère de séducteur. 

     -Jenny était un pion l'an dernier... 

    Je suppose que Léo est au courant. Non, je ne le suppose, il le sait forcément. Il peut me confirmer ou non les dires de Ron. 

    -Oui, mais tu le savais, non? Pourquoi me parles-tu d'elle?

    Il n'a pas l'air de voir là où je veux en venir. Soudain, un voile semble se lever dans son regard. 

    -Son bracelet...

    Je peine à terminer ma phrase. Sûrement parce que je redoute la réponse de confirmation. Je n'ai d'ailleurs pas besoin d'en dire d'avantage. 

    -Ethan. "

    Mon visage se décompose. Léo vient de confirmer ma crainte. Je sens mes yeux me picoter, les larment monter doucement et un grand vide se former au creux de mon ventre. Etrangement, l'effet n'est pas le même que tout à l'heure. Quand Ron m'a dit cela, il y avait un contexte déjà un peu oppressif qui m'entourait. J'étais surtout choquée par son comportement à lui. Tandis que là, je me sens réellement consciente du chagrin que cela me procure. 

    Mon visage est impassible, mes yeux regardent dans le vide et je sens quelques larmes coulaient, sans que je n'arrive à les contenir, sur mes joues. Je ne sanglote pas, je ne pleure pas vraiment non plus. Je ne sais pas comment expliquer de manière clair ce que je ressens et ce qui se passe en moi en cet instant précis. Je me sens juste tellement déçu par Ethan. Il est un joueur, je devais bien me douter qu'il avait pris des filles pour des idiotes seulement, ce n'était, jusqu'alors, pas encore entièrement bien encrée en moi. 

    Je dois inspirer de la pitié à Léo car, tandis que mes larmes deviennent plus abondantes, je le sens me prendre dans ses bras. Est-ce qu'il chercher réellement à me consoler d'une manière ou d'une autre, en me montrant que je ne suis pas seule? Honnêtement, en cet instant, je n'en ai strictement rien à faire. J'ai la tête aussi vide qu'un marshmallow. Aucun mot de plus n'est prononcé. 

    Le lendemain, je me réveille dans les bras de Léo. J'ai dû finir par m'endormir, hier soir, sans m'en rendre compte dans cette position. Et lui aussi, apparemment. Je pousse son bras qui se trouve au dessus de mes côtes afin de me lever. Il dort encore. 

    Je me lève donc et sort de la pièce. Je veux simplement rentrer chez moi. En passant devant la cuisine, je vois Ethan et Mathilda. Le premier des deux à me remarquer est Mathilda, voyant qu'elle me fixe, Ethan se tourne et me voit  à son tour. 

    "Anna? Est-ce que ça va? me demande Mathilda avec une pointe d'inquiétude. 

    -Oui..., lui répondis-je sans vraiment grande conviction. 

    -Tu as pleuré? renchérie-t-elle. 

    -Non. 

    Elle me regarde quelques secondes. 

    -Tu mens. Regarde-toi. Ton maquillage a coulé et tu as les yeux un peu gonflés. 

    J'aurais dû me regarder dans un miroir avant de mentir. 

    -Anna? 

    Cette fois, ce n'est pas Mathilda qui vient de me parler mais Ethan. Je me crispe un peu et le regarde assez mal. 

    -Je t'ai fait quelque chose? 

    -Tu as couché avec Jenny! Tu t'es moqué d'elle! Et tu ne m'as rien dit alors que tu sais que je suis proche d'elle.

    Ethan prend alors un air gêné. Il cherche ses mots.  Que Jenny ne m'ait rien dit, je peux le comprendre, la période où elle a été un pion lui est douloureux et elle tente coûte que coûte de l'oublier. Mais qu'Ethan m'ait cachée quelque chose d'aussi important... 

    -Anna.. je suis un joueur... j'ai joué, c'est tout... 

    Il se gratte la nuque avec gêne. 

    -C'est tout? 

    Je sens la colère gronder en moi. Et l'envie de pleurer me saisit de nouveau. Ethan me regarde sans savoir quoi faire, il est mal à l'aise. 

    -Anna, tu devais bien te douter qu'Ethan n'avait pas fait des choses très morales  en tant que joueur", me glisse presque en chuchotant Mathilda et me prenant dans ses bras. 

    Elle a dû sentir que j'allais de nouveau craquer et a sans doute voulu m'aider. Ethan balbutie quelques mots. Il me dit qu'il aurait agi autrement, si un jour il avait su que cela me ferait de la peine. Mais qu'a-t-il donc dans la tête?

    "Bien sûr que ça me fait de la peine! Tu t'attendais à quoi? A ce que je sois fière de toi? Ethan, même le fait que tu sois un joueur me blesse. Parce que, pour moi, ce n'est toi, Ethan. Je ne comprend pas comment tu peux faire ça... 

    -Je me suis laissé prendre au jeu, c'est tout.., tente-t-il de se faire excuser. 

    Seulement, cette fois, c'est probablement la fois de trop. 

    -A t'entendre, on dirait que ce n'est pas ta faute. Mais, dis-moi si je me trompe, c'est bien toi qui a accepter ce jeu tel qu'il était. C'est bien toi qui a décidé de jouer. C'est bien toi qui a séduit Jenny juste parce qu'elle avait un bracelet qui vous sert de tophet au poignet. 

    Ethan me regarde de manière impassible. J'ai touché un point sensible, apparemment. 

    -Est-ce que j'ai dit quelque chose de faux, Ethan?

    -Non."

    Je m'éloigne de Mathilda et sort de la maison, me dirigeant vers la mienne. Personne ne me retient. Les larmes se remettent à couler sur mes joues. 

    Point de vue d'Ethan:

    J'étais en train de discuter avec Mathilda au sujet d'Anna car je me demandais où elle était quand cette dernière est apparu dans l'encadrement de l'entrée de la cuisine. 

    Je me suis fait, littéralement, incendié. J'en ai pris plein la figure. Le plus hilarant? C'est que je n'ai rien trouvé de faux dans les accusations d'Anna. La voir mal par ma faute me brise sincèrement le cœur. Je me suis senti pris de court. Je n'ai pas eu la force de la retenir quand elle est partie. A quoi bon de toute façon? Je n'ai rien à lui dire qui pourrait la consoler. Je me sens stupide. 

    Peiné, je regarde Mathilda:

    "J'étais comment? 

    -Lamentable, comme toujours, me répond-t-elle aussitôt, avec un regard noir. 

    Si je cherche du réconfort, ce n'est pas avec elle que je le trouverais. C'est certain. Cependant, il y a bien une chose que j'admire chez Mathilda, c'est sa franchise. Elle n'y va jamais avec des pincettes.

    -C'est rattrapable? je lui demande avec espoir. 

    -Ethan, qu'est-ce que tu veux que je te réponde? Oui, ne t'en fait pas, elle te pardonnera, une fois de plus? Sauf que je ne suis pas dans la tête d'Anna donc je ne sais pas. A sa place, tu te serais même pris une claque voir un coup ailleurs. 

    Je ravale ma salive. 

    -Mais si tu tiens à elle, continue-t-elle, tu devrais peut-être commencer à te servir de ton cerveau et le faire réfléchir. Depuis le début, t'es pas honnête avec elle. Tu lui mens et lui fais des cachotteries. Pas étonnant qu'au bout d'un moment, tu ais le revers de la médaille. 

    Elle se sert, comme si elle était chez elle, un verre de jus d'orange qu'elle boit en me regardant, attendant que je réponde. 

    -Tu m'aiderais? 

    Elle rit. 

    -Tu m'as pris pour quoi? Ton ange gardien? Ethan, on est copain, tous les deux. 

    Elle me sourit, ensuite. Mais son sourire n'a rien de moqueur.

    -Tu sais ce qui est le plus comique dans cette histoire?

    -Non. 

    Mais elle va sans doute me le dire juste après. Bingo.

    -Tu me demandes de t'aider à te faire, encore une fois, pardonner d'Anna alors que je suis un de tes pions que tu es censé séduire. D'ailleurs, tu ne te préoccupes que d'elle. Tu sais ce que je crois, Ethan? T'es amoureux, pauvre imbécile."


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  • Point de vue d'Anna:

    Les vacances viennent de se terminer. Je n'ai rien fait pendant le reste des vacances. Je suis simplement restée chez moi. Je n'avais envie de rien faire de toute façon. Ethan est venu sonner chez moi plusieurs fois mais je ne lui ai pas ouvert une seule fois. Il est toujours reparti bredouille. Est-ce que c'était un mauvais choix de ma part? Je me suis demandais ce qu'il m'aurait dit si je l'avais laissé entrer. Et puis, j'ai arrêté de me poser la question car, au final, pourquoi me torturer l'esprit pour quelque chose que j'ai fait? Je peux y penser autant que je veux, rien de réécrit les faits appartenant au passé. 

    Si l'éviter en restant chez moi était une chose simple, en faire de même au lycée va révéler de l'impossible. Je pensais avoir changer, au moins un peu. Mais j'évite toujours les obstacles qui se dressent devant moi par la méthode la plus lâche : la fuite.  Je sais que la meilleure chose à faire serait d'aller voir moi-même Ethan pour qu'on parle... qu'on s'explique, que je lui explique ce qui me fait autant de mal. Je le sais... et pourtant... je ne trouve pas le courage de le faire. 

    Je suis devant le lycée. J'ai pris le bus ce matin et j'étais assise à côté de Nathan. Il est au courant de tout ce qui a pu se passer durant la soirée du nouvel an. Ce qui touche de prêt ou de loin aux joueurs se sait tôt ou tard.

    "Je ne vais pas te parler de sujets fâcheux, m'a-t-il dit après m'avoir salué et que je me sois installée. 

    -Ce serait bien, oui.

    -Je peux peut-être te raconter ce qu'il s'est passé d'autre, qui ne te concerne pas, durant cette soirée? me propose-t-il.

    Je le regarde. Nathan pense bien faire en voulant sûrement me changer les idées mais je broie un peu du noir. Cependant, il fait l'effort de vouloir m'aider alors, je pense qu'il serait déplacé de ma part de lui dire que, peu importe ce qu'il me dira, cela ne changera ni mon humeur ni ne m'intéressera. 

    -Vas-y. De toute façon, je n'ai parlé à personne après ce soir-là.

    J'ai reçu des messages venant de Mathilda et aussi d'Ethan. Je ne n'ai répondu à aucun des deux. J'ai reçu aussi d'autres messages mais j'avais éteint mon portable.

    -En fait, il n'y a presque rien eu de très intéressant. Sam avait un peu bu et elle a essayé de me séduire lamentablement.  Je crois qu'elle recherche juste un peu d'attention. Du coup, pour m'en débarrasser, j'ai refilé le soucis à mon apprenti, Jake. Il a fait la tête tout le reste de la soirée car il devait rester avec Sam sans pouvoir la draguer, elle, puisque c'est mon pion, ni les autres filles car il devait sans cesse faire la nounou. C'était assez hilarant pour moi, dans un sens.

    Il rit lui-même de ce qu'il me racontait puis il enchaîne:

    -Et puis, il y a eu un sacré rapprochement entre un joueur et un pion, sourit-il d'un air malicieux.

    -Hum? Qui? 

    Je reste tout de même très curieuse. 

    -Byron et Carolina. Les deux petits chenapans se sont embrassés dans la cuisine. 

    Je suis surprise. Je ne pensais pas que ces deux-là se seraient embrassés. Enfin, je ne suis pas tellement étonnée de Byron mais un peu plus de Carolina. Elle me semblait totalement détaché du jeu, n'y accordant que peu d'importance et je pensais que cela lui indifférait vraiment. J'avais vraiment l'impression qu'elle en avait un peu rien à faire de Byron. Je me suis trompée. 

    -Du coup, poursuit Nathan, elle a encore son bracelet. Mais depuis le nouvel an, Byron est encore plus motivé pour le prendre.

    -Vous ne pouvez prendre le bracelet d'un pion qu'une fois l'acte fait avec un des pions, n'est-ce pas?

    Je me demande si Carolina perdra son bracelet. Surtout que je ne pense pas que ce soit une fille qui embrasse un garçon sur un coup de tête. Finalement, elle doit apprécier Byron plus qu'elle ne le laisse paraître.  

    -Ouais. Les baisers, les câlins, ils ne comptent pas. Je veux dire, il ne permette pas de prendre un bracelet et de marquer des points. D'ailleurs, même les prélis ne comptent pas ,sourit-il. Il faut vraiment aller jusqu'au bout pour obtenir le bracelet du pion."

    Je me sens rougir, assez gênée par les dernières paroles de Nathan même si c'est moi qui ai posé la question. Nathan m'observe et sourit encore plus, me taquinant sur la rougeur de les joues pour me comparer à une tomate. 

    Plus tard, dès qu'elle me voit, Mathilda vient prendre de mes nouvelles et, concrètement, elle n'a pas du tout aimé le fait que je n'ai pas répondu à ses messages et elle me passe un savon. Je l'ai probablement mérité de toute façon.

    "Et ça va mieux à présent? me demande-t-elle, le regard plein d'inquiétude.

    -Honnêtement? Non.

    Elle pose sa main sur mon épaule.

    -Je crois que tu devrais vraiment aller parler avec Ethan.  Le fuir ne va rien arranger du tout. Et puis,  ce que tu veux, ce sont des explications, non?

    -Bien sûr... Mais j'ai peur de ne pas aimer ce que je vais entendre.

    -Là, c'est un autre problème, Anna. Tu ne peux pas toujours attendre des autres ce que tu aimerais. Refuser de parler avec Ethan, c'est refuser d'admettre ses erreurs. Que tu lui pardonnes ou non, c'est encore autre chose. Mais ce silence n'est pas du tout bon pour toi, ni pour lui. Il n'y a rien de pire que les non-dits. 

    Je la regarde en méditant quelques instants sur ce qu'elle me dit. Je dois bien admettre que tout est juste. Je soupire.

    -A ma place, tu irais le voir? 

    -J'aurais fait tellement d'autres choses à ta place... Mais oui, je serais aller le voir, me répond-t-elle en souriant. Mais sais-tu pourquoi ta question est stupide? 

    Je souris.

    -Parce que tu n'es pas moi et que je ne suis pas toi?"

    Elle hoche la tête avant de me conseiller de prendre mon temps. Si je ne me sens pas prête à parler avec Ethan calmement sans mettre en colère ou pleurer, pas la peine d'aller le voir. 

    J'ai décidé d'appliquer la méthode Mathilda. Cette fille a un don pour vous motiver. Elle n'y va pas par quatre chemins si elle a quelque chose à dire, tout dépend de la personne, mais elle prendra rarement des pincettes. 

    Alors que nous attendons devant la salle de classe que le prof arrive pour ouvrir la porte. Léo s'approche de Mathilda et moi.

    "Yo. 

    -Oh, Léo? sourit Mathilda. Tu t'es coiffé ce matin? Parce que franchement, tu fais négligé, se moque-t-elle.

    Il répond pas un grognement. 

    -Ma coiffure et ma négligence de moi-même ne regarde que moi, alors garde tes phrases de petite vipère pour toi. 

    Il n'est pas du tout de bonne humeur ce matin. Léo se tourne maintenant vers moi.

    -T'as pas un peu l'impression d'être partie comme une voleuse? 

    -Ah... euh... désolé... 

    C'est vrai qu'il dormait encore...

    -Même pas un petit merci alors que j'ai dû te supporter... Je peux te décevoir, Anna, mais tu me déçois aussi. 

    -Mieux vaut tard que jamais, non? Alors merci...

    Je me sens stupide de lui le lui dire que maintenant. J'ai soudainement honte d'avoir pleuré devant lui.

    -J'aime mieux ça."

    Il m'adresse un sourire en coin, un brin moqueur, avant de m'ébouriffer un peu les cheveux et de tourner les talons, allant voir ses potes qui sont dans notre classe. 

    Dès qu'elle me voit, Jenny me prend dans ses bras. Nous ne nous sommes pas vues durant les vacances. Elle a un grand sourire sur le visage, sincèrement heureuse de nous revoir, Mathilda et moi. Sa joie de vivre est contagieuse. Elle me sourit alors tristement pour me signaler qu'elle aurait dû me le dire pour Ethan... Je ne suis pas étonnée qu'elle soit au courant qu'elle sache tout ce qui s'est passé le jour de l'an. Après tout, elle est la soeur jumelle de Byron. Et il devait très certainement être au courant. Je lui signale que je ne lui en veux pas. Après tout, je sais parfaitement que les virginity games font partis du passé pour elle. Un passé auquel elle ne veut plus penser. Et je pense qu'une fois ceux de cette année passés, je serais comme elle. Je ne voudrais pas m'en rappeler en les oubliant. 

    "Vous savez pour mon frère et Carolina? nous demande-t-elle.

    -J'en ai vaguement entendu parler, répond avec un sourire Mathilda.

    -Nathan m'a mise au parfum ce matin. 

    -Je suis assez contente pour eux. Byron tient vraiment à Carolina d'après ce que j'ai pu voir. Et si elle l'a embrassé, c'est que c'est réciproque. Je me dis qu'il va peut-être arrêté de déconner s'il l'a elle.

    Je ne pensais pas Jenny si rêveuse. Seulement Mathilda la fait bien vite redescendre sur Terre. 

    -Jenny, tu es consciente que ton frère est loin d'être un saint avec les filles? N'oublie pas la première règle de leur stupide jeu: aucun sentiment amoureux. Même si c'est des fois ambigu. Tu t'emballes peut-être un peu vite."

    Si je devais rapidement définir la blonde qui vient de prononcer ses paroles, je dirais qu'elle est la parole de la sagesse et de la vérité. Je mets Mathilda sur un piédestal? Oh, c'est très probable. 

    Jenny reconnait alors qu'effectivement, elle se fait des films sûrement trop rapidement. En fait, Jenny est tout de même une fille naïve et je comprend mieux comment elle a pu perdre durant les virginity games. Mais depuis, je pense qu'elle se méfie beaucoup plus.

    Au beau milieu de la journée, je croise Beverley. Je ne compte pas m'arrêter et ne la regarde pas. Je l'ignore car pour moi, c'est une fille à histoires, comme Amandine ou Kim. Cependant, à ma grande surprise, elle se plante devant moi, me bloquant le passage. Je pensais que si je l'ignorais, elle en ferait de même. 

    "Oui? je lui demande avec un certaine inquiétude dans la voie. 

    Qu'est-ce qu'elle me veut? 

    -J'ai vu Ethan, il te cherche. 

    -Ah? Où est-il?"

    Elle reprend son chemin sans un mot de plus après m'avoir dit où il se trouvait quand elle l'avait croisé. Moi, je reste sur place, immobile. Dois-je aller à sa rencontre ou partir dans le sens inverse afin d'être certaine de ne pas le croiser? Ces deux options s'imposent dans ma tête et battent entre elle, me laissant hésitante. 

    Finalement, je laisse mes pieds me guider vers la direction indiquée par Beverley. Je sors mon portable et envois un message à Mathilda pour lui dire que je vais voir Ethan et que je la rejoindrais, elle et Jenny après, ou que je la reverrais en cours. 

    Je me retrouve face à Ethan. Nous allons nous asseoir, dehors, sur un banc. Aucun de nous deux ne parlent durant un très long moment. J'ai l'impression que ce silence pesant dure une éternité. C'est, au final, Ethan qui le brise.

    "Je t'ai déçue? demande-t-il d'une voix toute penaude. 

    -A ton avis? je lui répond d'une voix assez basse.

    -Ce ne sont pas des larmes que je veux provoquer en toi, ni du dégoût.

    -Pourtant, j'ai l'impression que tu fais tout pour des fois. 

    -Je suis maladroit. Et je fais des mauvais choix en pensant que ce sont les bons. 

    -Est-ce cela t'amuse ce jeu ? je lui demande. 

    -Je dois dire la vérité?

    -Ce serait mieux, oui. 

    -J'y ai pris goût l'an dernier. La popularité et le fait de me sentir puissant m'ont montés à la tête. C'est différent cette année. 

    Je hausse un sourcil.

    -En pourquoi est-ce donc différent? 

    -Parce que t'es là. J'ai pas envie que tu me vois comme un mec sale qui prend juste les filles pour des connes. "

    Je lui rétorque que c'est déjà ce qu'il a fait. Il se taire dans le silence. Surtout qu'il se dénigre lui-même. Il sait que ce qu'il a fait et fait est mal. Un nouveau silence s'installe entre nous.

    "Tu me pardonneras un jour? 

    -Ethan, quand je te pardonne quelque chose, ces derniers temps, tu me déçois encore plus ensuite. Et je veux que ça s'arrête car j'en ai assez. Assez des tourments que causent  ce stupide jeu, assez de découvrir un Ethan que je ne peux pas supporter. 

    -Tu crois qu'on pourrait repartir sur de bonnes bases, tous les deux? s'inquiète-t-il.

    -Je n'en ai aucune idée." 

    Je fixe mes pieds. Est-ce que je peux vraiment tirer un traits et faire semblant de tout oublier dans l'espoir que ma relation avec Ethan s'améliore? Est-ce au moins une bonne chose? C'est un chemin simple. Mais est-ce le plus correct ? Est-ce vraiment possible de faire abstraction du passé, des maux faits? J'ai des doutes là-dessus. De ce fait, je ne peux pas lui garantir quelque chose dont je ne suis moi-même pas sûre. 

    Ethan semble vouloir ensuite me dire quelque chose. Il ouvre la bouche mais aucun mots n'en sort. Il me dit que ce n'est pas grave, qu'il me dira cela plus tard. Puis, il part, les mains dans les poches. Mais je le connais assez pour affirmer qu'il ne marche pas, en cet instant, la tête haute et fier. 

    Les cours reprennent. La plupart des élèves n'attendent maintenant plus qu'une chose, la sonnerie annonçant la fin de la journée. Quand celle-ci retentit, son son résonne comme une libération. Finis de copier sur les copies des leçons dictées pour aujourd'hui. Je range mes affaires avant de sortir de la salle avec Mathilda. Etrangement, à l'entrée du lycée, un grand brouhaha se fait entendre. Nous nous approchons par curiosité. 

    Il y a plein de photos au sol. Les élèves les ramassent. Elles représentent toutes la même image. Mathilda en ramasse une. Elle écarquille les yeux de surprise.

    "Non?! hurle-t-elle. 

    Je lui prend la photo des mains et je me glace littéralement en voyant l'image. Dessus, on voit clairement Nathan et Ross en train de s'embrasser. Et le petit malin qui parlerait de photomontage ne trouverez aucune preuve. Je suis sûre que ce n'est ni Nathan ni Ross qui a répandu ses photos. En tout cas, les deux intéressés ne vont pas du tout être contents et Nathan va se retrouver dans une position délicate.

     D'ailleurs quand on en parle... Nathan fait son apparition et tous les regards se tournent vers lui. Il devient rouge de gêne mais surtout de colère en voyant à son tour les photos. 

     


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  • Point de vue d'Anna:

    Nathan est parti comme une furie. Son visage exprime toute la rage qu'il ressent à ce moment. Vu la détermination de son pas, il doit connaître le coupable qui a osé diffuser ses photos. Les autres élèves regardent tour à tour les photos et Nathan, semblant ne toujours pas en revenir. Il disparaît assez vite de mon champ de vision et je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter pour lui. Je pense qu'il faut vraiment le détester pour faire une chose pareille. 

    Il est clair que ce n'est que le début des ennuis pour Nathan lorsque je constate la présence des trois autres joueurs, penchés sur une des photos, semblant extrêmement perplexes. Ils ne se doutaient pas de l'homosexualité de Nathan.

    "C'est étrange, t'as pas l'air si surprise que ça en ayant vu les photos, Anna, me dit alors Mathilda.

    Le troupeau de curieux s'est un peu dispersé et le fait que Nathan ait un copain a sûrement déjà dû se répandre comme une traînée de poudre à travers toutes les oreilles du lycée. 

    -J'étais au courant.

    Elle écarquille les yeux ainsi que Jenny, qui est à présent avec nous.

    -Non? Sans blague? Comment? Racontes nous.

    Je ris un peu. Jenny est assez curieuse par moment. Je leur explique donc comment j'ai appris que Nathan avait un copain. J'aurais peut-être dû ne rien dire, après tout, j'avais promis... Mais maintenant que tout le monde, savait, c'était un peu différent, non? Et puis, cela, je ne comptais pas le dire à tout le monde... Je leur  fais confiance à Jenny et Mathilda. Elles n'en reviennent pas et Jenny me taquine en s'imaginant ma tête quand je suis tombée sur Ross et Nathan pour la première fois. Je rougis un peu. C'est encore un moment très gênant de ma vie que je garde en mémoire. J'ai effectivement, rarement été autant gênée... 

    Au final, nous ne nous attardons pas sur le sujet de Nathan plus longtemps car le pauvre doit déjà avoir assez de soucis à présent. Inutile d'étaler un sujet tant que le principal intéressé n'est pas là. Mathilda me demande alors comme s'est passée ma conversation avec Ethan. 

    "Mieux que je ne le pensais, je crois.."

     Je n'attendais pas de cette conversation beaucoup. Je pensais que j'allais m'énerver de nouveau contre lui mais ce ne fut pas le cas. 

    Une fois rentrée chez moi, je me mets à m'inquiéter pour Nathan. Je décide alors de lui envoyer un message, non seulement à lui mais aussi à Ross. Cependant  je ne reçois de réponse d'aucun des deux. Mon inquiétude augmente encore plus. Je pars me coucher en pensant à eux. Je suis vraiment triste pour eux et j'espère que leur couple va supporter la pression sociale à laquelle ils sont maintenant exposés. Je ne sais pas si leur homosexualité va être bin accepter par tous. Ayant une certaine popularité, la situation est d'autant plus délicate pour Nathan même si il me semble que Ross va sans doute également avoir probablement des ennuis. 

    Le lendemain, la première chose que je fais en ouvrant les yeux est de vérifier que je n'ai pas de messages de la part de Nathan ou de Ross. Je suis déçue de voir qu'aucun des deux ne m'a répondue.

    Au lycée, je cherche Nathan mais il ne semble pas là, Jenny me regarde faire.

    "Je ne savais pas que vous étiez proches. En fait, je pensais que tu ne lui avais jamais parlé, Anna, me sourit-elle. 

    Je hausse les épaules.

    -Il disait que si on nous voyait parler, j'allais attirer l'attention des autres joueurs de façon plus intense sur moi."

    Je suppose que cette conséquence n'aurait pas été fausse.

    Mathilda n'est pas là aujourd'hui, elle est tombée malade. Je le sais car elle m'a demandée de prendre les cours pour elle. 

    Je vois Ethan discuter avec Byron et Léo. 

    "Jenny, sais-tu s'ils vont faire quelque chose à Nathan par rapport à ce qu'il s'est passé? 

    -Franchement? Je pense qu'ils préparent  un truc. Et pas un truc joli joli. Mais je n'en sais rien de plus. J'ai essayé de questionner mon frère mais cet idiot m'a répondu que ce n'étaient pas mes affaires et que j'étais une vilaine curieuse."

    Elle soupire. Je comprend qu'avec la nouvelle complicité qui naît entre elle et Byron, elle ait du mal à fouiner dans les affaires de son frère, elle ne veut pas perdre sa confiance. 

    Tout à coup, mon portable vibre dans ma poche. Je le sors. Il s'agit d'un message de Ross qui demande à me voir. Je lui répond immédiatement, lui donnant rendez-vous dans le café où lui et Nathan m'avaient révélée leur lien. 

    En classe, Léo vient me voir. 

    "Apparemment, tu savais pour Nathan. 

    Dans sa voix, je ne sens aucune agressivité, juste un ton neutre. C'était un ton passe-partout. Il aurait pu me demander si j'avais un chat sur ce même ton. 

    -C'est une rumeur ou un fait avéré? 

    Je préfère être prudente. Allez savoir ce qu'il ferait de cette information. Il soupire.

    -Ne fait pas ta petite maligne avec moi. Je te bouffe quand je veux. C'est une rumeur pour répondre à ta question. Tu savais que Nathan est gay?

    Je le regarde un moment avant de lui répondre. 

    -Oui.

    Il semble s'énervé un peu.

    -Et tu ne l'as pas dit?!

    -Pourquoi je l'aurais fait? Il n'aurait eu que des ennuis comme maintenant. Qu'est-ce que vous comptez lui faire d'ailleurs?

    -Ce ne sont pas tes affaires.

    -Je considère que si, je lui réplique du tac au tac. 

    Il me jauge de son regard glacial quelques secondes avant de déclarer:

    -Peu importe ton avis, tu verras bien."

    C'est tout simplement ainsi qu'il met fin à notre petite conversation. 

    Je n'arrive pas à savoir si Léo est un garçon fréquentable ou s'il vaut mieux l'éviter comme la peste. En fait, cela dépend vraiment des moments. Il a été vraiment adorable avec moi le soir du jour du l'an. 

    Après les cours, je sors du lycée pour aller rejoindre Ross. J'arrive avant lui. Lorsqu'il me rejoins, il me repère immédiatement. 

    "Salut, Anna, me dit-il avec un sourire triste affiché sur le visage. 

    -Salut... Ross, tu as des nouvelles de Nathan? Il n'a pas répondu à mon message... Je voulais savoir comme il allait.

    Il me regarde quelques instants, son sourire triste s'accentuant et faisant naître en moi une émotion d'appréhension. 

    -Je n'ai pas eu de nouvelles non plus."

    Je dois avouée que je ne m'attendais pas à cela. Alors comme ça, Ross non plus n'a pas de ses nouvelles.... ce qui est d'autant plus grave... car c'est compréhensif que Nathan ne me parle pas forcément mais s'il ne répond même pas à son copain... Ross est toujours son copain d'ailleurs?

    "Il a débarqué à mon lycée hier. Je ne l'ai pas vu, ce sont des potes qui me l'ont raconté. Il cherchait mon frère pour la raison que tu imagines. 

    Il soupire.

    -Il l'a trouvé et l'a pris à part. Je n'ai aucune idée de ce qu'il s'est passé ensuite. Mon frère est resté muet comme une tombe et c'est après que j'ai appris ce qu'il s'était passé dans votre lycée. En tout cas, mon frère avait un bleu sur la joue en rentrant hier. Ils ont dû se taper dessus. 

    -Tu n'es pas allé le voir? je lui demande.

    -Je comptais le faire juste après. Tu veux m'accompagner?"

    J'hésite quelques instants mais je refuse finalement. Je pense que Ross doit d'abord le voir seul. Ce serait un peu comme des retrouvailles après une tempête. Si je viens avec lui, je pense que je serais de trop.

    "Par contre, tu pourras lui dire que je m'inquiète pour lui?"

    Ross me sourit et me rassure en me disant que cela sera fait avec plaisir. Nous nous levons et nous nous séparons en prenant des chemins différents, une fois que nous sommes sortis du café. 

    "Tu as l'air bien plus au courant de cette histoire que tu ne le devrais, pourtant. 

    Je reconnais aussitôt la voix désagréable qui vient de prononcer ces paroles dans mon dos. Robin me toise d'un regard méprisant. C'est affolant toute l'audace et l'irrespect qu'on peut voir en lui avec un simple regard. Toutefois, il me semble que je n'ai aucun compte à rendre à l'apprenti de Léo. 

    -Je suis suivie maintenant? je demande en grinçant des dents. 

    -C'est bien possible que Léo m'en ai fait la demande. Mais ne change pas de sujet. 

    Les apprentis ne sont en fait que des larbins. C'est en tout cas, l'image qui s'impose le plus à moi quand je pense à eux. 

    -Je peux encore choisir mes fréquentations à ce que je sache sans te donner la moindre explication. 

    -Le contexte est un peu différent. Que foutais-tu avec le copain de Nathan?

    -On parlait, tu as bien dû le voir, non?"

    Je ne sais pas vraiment ce qui m'arrive aujourd'hui mais il semble bien que je trouve, pour une fois, la force de répliquer sans me défiler. Robin soupire comprenant que je ne lui dirais rien.  Il décide de cesser de me tourmenter en me prévenant tout de même qu'il compte faire tout un petit rapport à Léo. C'est impressionnant comme il prend son rôle d'apprenti à coeur. Peut-être même sûrement trop. 

    Le soir, je reçois un message de Nathan qui me remercie de s’inquiéter pour lui mais qui me dit aussi qu'il se débrouille et que je ne dois pas trop m'en faire. Ross a donc probablement pu le voir. C'est déjà une bonne chose.

    Au lycée, je passe devant le casier de Nathan... Il est maintenant très facilement reconnaissable. Il a été tagué. On peut lire dessus  des choses abominables tels que des insultes et des phrases rabaissantes. Je serre les poings, révoltée par la cruauté de certains. Au détour d'un couloir, je croise Sam, un des pions de Nathan. Je suppose qu'elle ne va pas le rester longtemps. 

    "Oh, Anna, tu es au courant pour Nathan?

    -Pour ce qui s'est passé pour les photos et pour son casier, oui.

    Elle sourit tristement.

    -C'est vraiment dégueulasse. Même si je me sens un peu, tout de même triste, je pense qu'il ne mérite pas autant de haine. 

    -Je suis d'accord.

    -J'ai entendu que les joueurs comptaient l'exclure de leur jeu.

    -C'est prévisible...

    -Mais  vont-ils lui mener la vie dure?"

    Je ne répond pas car c'est moi-même ce que je crains. Après tout, Nathan leur a menti depuis déjà un bon moment et je crains que cela ai dû mal à passer pour eux. Surtout qu'ils n'avaient pas forcément l'air de se faire déjà des cadeaux entre eux. 

    Mathilda est de retour. Et elle laisse librement éclater son opinion contre ceux qui s'en sont pris à Nathan. Elle clame haut et fort qu'il a le droit d'aimer les hommes autant que certains préfèrent les femmes et que même s'il était un joueur, cela ne devrait pas lui prêté préjudice et que ceux qui s'en prennent à lui sont vraiment des ordures. J'approuve ses paroles car je les pense moi-même. 

    A cause de cela, Léo nous regarde de travers. 

    "Un soucis avec ce que je dis, Léo? lui lance Mathilda sur un ton désobligeant.

    -Tu parles trop. Apprends un peu à la fermer. 

    Il me regarde ensuite.

    -J'ai eu vent de certaines choses déplaisantes te concernant, Anna.

    Je vois aussitôt qu'il fait référence à Nathan et Ross... Son satané apprenti m'avait prévenu et a mis sa menace a exécution.  

    -Il me semble que tu n'as posé aucune question à son sujet. Je n'avais d'ailleurs aucune raison de te dire quoique se soit. 

    Je le vois grincer des dents.

    -Traîner avec Mathilda te rend insolente."

    Je sens mes joues se colorer en rouge sous une sorte de honte que je ressens à ce moment. Je fais réellement preuve d'insolence? Mathilda pose sa main sur mon épaule et me rassure en me disant de ne surtout pas croire les mots venimeux sortant de la bouche de Léo. Elle enchaîne en précisant que pour elle, ce mec est un poison.

    Plus tard dans la journée, la rumeur comme laquelle Nathan serait au lycée se répand comme une véritable traînée de poudre. Tout le monde ne parle que de cela et pourtant rares sont, au final, les personnes à affirmer l'avoir vu en chair et en os aujourd'hui. 

    A la pause de 16h, un grand attroupement fut observer dans la cours. C'était une sorte de très belle mis en scène. Peut-être un peu trop... puisque tous les élèves au moins un peu curieux venaient comme des fourmis attirées par un morceau de sucre autour d'un banc, sur lequel les joueurs étaient tous présents, debout. Comme beaucoup de lycéens, Mathilda, Jenny et moi faisons parties de la foule attroupée devant eux. Je garde le silence, me demandant à quoi rime leur petit jeu. Léo sourit d'une façon moqueuse et méprisante. Ethan est totalement impassible et Byron semble n'avoir qu'une envie, descendre de ce banc. Trois joueurs sur les quatre et trois réactions totalement différentes. Le premier à prendre la parole est Léo:

    "A vous qui nous écoutez, nous avons une annonce à faire. 

    Puis, Ethan enchaîne:

    -Comme vous le savez tous, un des joueurs est un traître. Par conséquent, nous avons pris certaines décisions le concernant.

    C'est maintenant au tour de Byron de prendre la parole. On dirait qu'ils nous dévoilent une scène entièrement préparée à l'avance. C'est assez troublant et perturbant.

    -Nathan n'est désormais plus un joueur. Son dernier pion Sam, n'est plus comptée comme tel. Elle ne fera plus partie du jeu. Après une discussion avec Nathan, il a été convenu qu'il changerait de lycée."

    Les mots employés par Byron ne relèvent aucune émotion. Ses paroles sont vides de toutes émotions comme si les prononcées ne lui convenait pas à lui-même. Finalement, ils étaient plus proches de Nathan qu'ils auraient pu pensé l'être. Rogner l'un de leur semble les affecter même avec une infime mesure. Cependant, cela reste tout même un sort assez triste pour Nathan. Il va devoir changer de lycée... Non seulement au beau milieu de l'année mais aussi dans un contexte de tension. 

    Néanmoins, j'aurais pensé que les joueurs auraient été bien plus cruel envers Nathan. La compassion et l'attachement qu'ils avaient pour lui, les a peut-être conduits à prendre une décision la plus "douce" possible. Je me souviens encore la façon dont ils avaient réagi envers Nolwenn... Honnêtement, je pense qu'ils auraient pu réserver quelque chose de bien pire à Nathan s'ils l'avaient voulus. 

    Les joueurs descendent de leur banc et traversent la foule qui les entendue avec, toujours cette façon de faire très théâtrale comme s'ils avaient, une fois de plus, tout préparé à l'avance. 

    Lorsqu'ils passent à notre niveau, Léo me lance un regard assassin qui me glace le sang. Ses yeux bleus semblent traverser votre être tout entier. Je baisse le regard face au sien. Il est clairement en colère, tout comme Ethan qui me lance à un tour un regard lourd en sens mais, si c'était à refaire, je n'aurais rien changé. Je n'aurais rien dit au sujet de Nathan. 


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  • Point de vue de Nathan:

    Je garde la tête haute depuis que j'ai vu ces photos même si j'ai littéralement pété un câble sur le moment. Qui ne l'aurait pas fait de toute façon? Il n'y avait que deux manière de réagir à ce qui m'est arrivé: soit je me laissais démonter en m'apitoyant sur mon sort soit je réagissais pour bien montrer que je n'allais pas aussi facilement me laisser faire. Ron en a payé les frais. Ce sale cloporte s'est cru malin avec ses photos? Dès que je les ai vues, j'ai tout de suite su que c'était lui et je ne m'étais pas trompé. 

    Quand je suis allé le voir, il n'a rien nié. A quoi bon? Nous savions tous les deux qu'il était l'auteur de cette "blague" de mauvais goût. Sur le chemin entre mon lycée et le sien, je m'étais calmé mais dès que j'ai revu sa face de petit con, toute ma rage s'est manifestée de nouveau. Au final, moi qui avait espoir de simplement lui parlait en le secouant un peu, je l'ai véritablement secoué. On s'est battu puis, des gars qui passaient par là nous ont séparé et je suis parti. Ron, je ne peux plus le supporter, même en peinture. 

    Cependant, malgré tout tout, il m'est hors de question de regretter quoi que se soit. Je ne sais pas ce qui m'attend dans le future mais Ross est l'une des meilleures choses qui me soient arrivées. Quand je l'ai rencontré, je ne me doutais pas qu'il serait aussi important pour moi. Alors, même si son frère est un imbécile fini, même si on me tourne le dos, je ne vois pas pourquoi je n'assumerais pas mes actes et mes sentiments maintenant qu'ils sont dévoilés. 

    Quelques jours plus tard, je suis retourné au lycée. Je ne suis pas allé en cours. Je suis simplement passé voir Ethan, Byron et Léo à leur demande. Je leur devais sûrement bien ça après tout. Je n'ai parlé à personne d'autre. Étrangement, aucun d'eux ne me cria dessus, aucun d'eux ne me reprocha mon mensonge même si je lisais la colère dans leurs yeux, celle-ci restait muette. J'y ai lu aussi de la compréhension. Ils ne m'en voulaient pas autant que j'aurais pu le croire. Après tout, nous étions tous quelque part dans le même bateau. Aucun d'eux ne l'avouera mais ce jeu nous a pourri la vie d'une façon ou d'une autre. Et pourquoi aucun de nous n'en parle? Tout simplement parce que nous avons trop de fierté. Les filles, elles parlent de tout entre elles. Les mecs, c'est différents. Entre nous, on se confie différemment, c'est sûrement moins facile. 

    La sanction que j'ai eu ce n'est pas eux qui l'ont décidée. Je leur ai moi-même suggérée. J'ai passé une partie de la nuit d'avant à réfléchir à quel genre de sanction j'allais être confronté. Et dans mes hypothèses, celle-ci était celle que je préférais. J'avais alors décidé de la leur proposer. Ils auraient très bien pu refuser. Dès que la décision avait été prise, j'avais quitté le lycée le plus discrètement possible. Je n'aurais pas supporté de rester. Ce ne sont pas les joueurs que je crains mais le reste des élèves. On a trop vite un jugement fiché sur vous alors que vous n'avez rien demandé. Qu'on me regarde de travers, j'en ai pas grand chose à faire mais le fait que la plupart du lycée me regarde de cette façon ne me plait pas. Autant me casser et recommencer. Même si c'est au beau milieu de l'année, c'est ce qu'il y a de mieux. Mes parents ne comprendront pas mais ils me font confiance alors si je leur dis que je veux changer de lycée, je ne sais pas s'ils me demanderont beaucoup d'explication mais, je suis certain, qu'au final, ils ne s'opposeront pas à cette décision. 

    Et effectivement, tout s'est passé comme je l'espérais. Je n'ai pas eu vraiment de problème. J'ai tout recommencé. Je suis dans le même lycée que Ross à présent, et il est hors de question que je me cache. J'affiche publiquement que je suis avec lui car j'en ai ras de le bol de me terrer et Ross aussi. On est pas non plus collé tout le temps ensemble mais on se voit beaucoup plus. Je suis devenu un élève comme les autres et je dois bien avouer que ne plus avoir la pression des virginity games sur les épaules me soulage tellement! En revanche, je ne pourrais pas non plus faire une croix sur ce passé car, dans ce lycée aussi, ils y a des joueurs. Ron s'éclate comme un fou. C'est assez étrange d’observer ce jeu quand on y a participé. Est-ce la présence quotidienne de Ron m'emmerde? Honnêtement, si je pouvais virer sa face de mon champ de vision, je le ferais avec plaisir mais je fais avec. Il ne vient pas me chercher des noises alors j'en fait autant. Je suppose qu'il a cessé de me mettre des bâtons dans les roues car il doit se dire qu'il a assez foutu la pagaille et, en plus, c'est déjà bien assez la guerre entre lui et Ross alors il ne doit pas vouloir trop envenimer les choses bien que cela soit déjà fait. 

    J'ai quelques fois des nouvelles d'Ethan, Byron et Léo car malgré tout, je pense qu'on était un peu pote. Même si nous étions animés d'une certaine rivalité. J'ai également des nouvelles de temps en temps d'Anna. Et puis, d'autres personnes se sont aussi inquiétées pour moi. Je dois dire que cela me fait relativement plaisir que je comptais pour toutes ces personnes. Je ne me suis jamais aussi bien senti, pour être franc, que depuis que j'ai changé de lycée. Si je l'avais su, cela ferait longtemps que j'aurais révélé ma relation avec Ross pour être viré des joueurs. Si je ne l'ai pas fait, c'est que je craignais que lui aussi ne soit victime de représailles. Or, cela ne fut pas du tout le cas. Tout roule pour moi. 

    Point de vue d'Anna:

    Le scandale provoqué par la photo de Nathan a fini par prendre fin. Le temps fait assez bien les choses. Il gomme, petit à petit, dans l'esprit humain, les expériences désagréables une fois que la mémoire à une nouvelle plus récente sous la main.

    Je ne me suis toujours pas réconciliée avec Ethan. Et, une nouvelle déchirure vient d'apparaître dans notre relation amicale qui ne fait que se détruire avec une trop grande lenteur. 

    Aujourd'hui, Ethan est le sujet de discussion d'à peu près une majorité du lycée. Durant le week-end, il a obtenu un bracelet. Un pion de moins. Lorsque j'ai appris la nouvelle, je me suis dit que c'était impossible. Mathilda n'aurait jamais couché avec Ethan... Et effectivement, ce n'était pas elle. Le bracelet qu'Ethan a obtenu est celui d'Amandine. J'imagine parfaitement Léo virer au vert  en apprenant que son pion lui avait été piqué par un autre. Je suis cruelle d'avoir aussi peu de compassion pour Amandine... même si je ne la portais pas dans mon coeur, j'aurais pu peut-être un minimum la plaindre. Quoique c'est elle qui l'a voulu, elle avait le choix de coucher avec Ethan...

    D'ailleurs, quand on parle du loup, celui-ci vient manger chez moi ce soir. Après tous les effort que j'ai fait pour l'éviter le plus possible, je vais me trouver durant toute une soirée dans la même pièce que lui. Ne croyez pas que je sois contente qu'il vienne, ce sont mes parents qui ont invité les siens. Il n'était pas obligé de venir. Oh, ce qui me rassure, c'est de savoir que le dîner ne va pas s'éterniser car mes parents comme les siens travaillent demain et Ethan et moi, nous allons au lycée. Lorsque la sonnette retentit, j'entends ma mère me crier:

    "Anna, va ouvrir! Je sors le poulet du four!"

    Je sors de ma chambre pour aller ouvrir à nos hôtes. J'ai un grand sourire affiché sur le visage. La mère d'Ethan m'embrasse comme du bon pain sur chaque joue. Elle tient un plat, c'est elle qui a apporté le dessert. Je m'écarte pour la laisser passer en lui précisant que ma mère se trouve dans la cuisine. Elle me remercie et file la rejoindre pour mettre le dessert au frais. Puis, c'est le père d'Ethan qui entre. Il semble un peu fatigué mais je l'ai toujours connu comme ça.  Enfin, je me retrouve face  à Ethan.

    "Bonsoir. 

    Je crois que le ton de ma voix est assez sec.

    -Bonsoir, Anna."

    Il me fait la bise comme si nous étions toujours les meilleurs amis du monde. Je me crispe un peu devant son geste plein d'entrain.  Je referme la porte. 

    A table, ma mère m'a placé juste en face d'Ethan, c'est-à-dire que dès que je relève la tête, je suis bien obligée de le voir. 

    Après le repas, les conversations des parents s'orientent facilement vers des sujets plutôt ennuyeux. Je ne les écoute pas. 

    "Anna, allez donc dans ta chambre", propose ma mère.

    Je n'ai pas le temps de répondre qu'Ethan lui répond par l'affirmative. Il se lève et va vers ma chambre. Il est un peu comme chez lui ici. Je me lève à mon tour. Après tout, je n'ai pas vraiment le choix. Je me rend également dans ma chambre. 

    "Tu aurais pu ranger un peu et faire un peu mieux ton lit, me sermonne-t-il sur un ton neutre.

    -Ma chambre est mieux rangée que la tienne et mon lit est fait comme il faut. Et puis, je n'avais pas prévu que tu mettes les pieds ici.

    Il me regarde.

    -Tu savais que je venais pourtant.

    -Je ne pensais que tu viendrais aussi dans ma chambre, je grogne légèrement.

    Il sourit. 

    -Tu remercieras ta mère dans ce cas car je n'y suis pour rien."

    Le silence s'installe entre nous. Ethan s'assoit sur mon lit, sans aucune gêne. Il s'allongerait dessus, je pense que je ne serais même pas étonnée. Quand je le regarde, je pense à Amandine et au bracelet qu'il lui a pris et, voir Ethan devant moi donne un côté à cette pensée que je n'avais pas encore remarqué: je suis en colère et agacée. Il se met à me fixer pendant un moment avant d'enfin prendre la parole.

    "Tu as un soucis? me demande-t-il.

    -Non, aucun.

    Il souffle.

    -Anna, je te connais assez bien pour savoir que quand tu fais cette tête, c'est que quelque chose ne te convient pas. 

    -La seule chose qui ne me convient pas ici, c'est toi...

    Je commence à bouder et à rechigner dans mon coin. Ethan me réplique avec un air amusé que je vais finir par lui faire de la peine. Pourquoi prend-t-il tout à la légère?!

    -Et bien tant mieux parce que, toi, de la peine, tu m'en fais.

    -Et je peux savoir comment?

    Je désigne simplement mon bracelet et il comprend immédiatement la référence à Amandine. Il perd aussitôt son petit sourire amusé. 

    -Je pensais que tu t'en fichais de ce genre de choses, à présent. 

    -Et bien, ce n'est pas le cas. Pourquoi as-tu fait ça avec elle? Tu ne l'aimes même pas.

    -Parce que je suis un joueur.

    C'est tellement simple de pouvoir justifier ses faits et gestes avec cette excuse! En fin de compte, pourtant, Ethan ne me doit rien. 

    -Mon but est d'avoir le plus de bracelets. 

    -Je pensais que tu ne me ferais pas de mal...

    -C'est le cas.

    -Pourtant, en suivant ton raisonnement, cela voudrait dire que tu es prêt à me séduire, pour me laisser, comme tu l'as fait pour Amandine mais aussi pour Jenny, juste pour obtenir ton précieux bracelet. 

    -Toi, c'est différent.

    -En quoi suis-je différente? Si tu me dis que c'est parce que tu me connais depuis longtemps, c'est faux, rien ne va plus cette année. 

    Il fixe mon plafond puis se lève et s'approche de moi. Je ne bouge pas. Il se juste en face de moi et une de ses mains sur mon épaule et l'autre sur ma joue. Je me sens rougir et je n'arrive pas à bouger. Je retiens ma respiration, étonnée de son geste et me demandant ce qu'il est en train de faire.

    "Anna, je t'aime."


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  • Point de vue d'Ethan:

    Je l'ai dit? Je l'ai vraiment dit?! Mais merde! J'ai pas réfléchi! Ce n'était pas du tout le bon moment. Enfin, il me semble que j'aurais pu trouver un moment plus propice que dans cette situation conflictuelle que nous avons. J'ai couché avec une meuf dont je n'avais rien à foutre deux jours avant... Comment puis-je être crédible lorsque je lui dis cela?!

    Elle ne me dit rien. Anna a l'air déconnectée de la réalité. Est-ce qu'elle serait choquée ? Elle doit au moins être plus que surprise. Elle me regarde comme un poisson mort. C'est vraiment une comparaison très étrange mais c'est pourtant ce que sa tête m'évoque... Très... glamour. 

    "Tu.... Tu es un... 

    Elle semble chercher ses mots. Sa voix est basse, je l'entend à peine parler. C'est presque si je ne dois pas me pencher un peu plus vers elle afin de bien l'entendre correctement. Elle finit par terminer sa phrase:

    - Bon menteur..

    Il me faut quelques secondes afin de bien comprendre le sens de ses paroles. Je suis un bon menteur? Elle ne m'a pas cru?! C'est vrai que le ton de sa voix exprime une certaine déception et colère. 

    -Et si j'étais sérieux? 

    -Tu ne peux pas l'être! s'exclame-t-elle. 

    Elle répète cette phrase une seconde fois comme pour s'en persuader. J'ai comme qui dirait fait une erreur?

    -Anna, pourquoi ne serais-je pas sérieux? 

    -Votre stupide jeu l’interdit.

    Elle me regarde comme si je venais de faire quelque chose de mal. Ce n'est pourtant pas le cas. Pour une fois que je complètement sérieux, que je lui dis clairement ce que je ressens pour elle, Anna ne me croit pas. Elle marque cependant un point. Les joueurs ne doivent pas aimer les pions. Elle enchaîne:

    -Je ne pensais que... tu irais aussi loin."

    Le ton de sa voix révèle de la déception. Mais ce n'est pas de la déception par rapport au fait que je l'aime ou non. Non, elle est déçue car elle pense que je viens de tenter de la piégée. Et je peux garantir que cela me fait très mal qu'elle pense que j'en suis capable envers elle. J'ai envie de lui dire qu'elle se trompe. Mais me croirait-elle seulement? 

    "Regarde-moi dans les yeux, Anna. Regarde-moi bien et affirmes avec conviction que je mens. 

    Elle ne relève pas la tête vers mon visage. je suis obligé de le faire moi-même en lui soulevant le menton. Son regarde croise le mien. Oh que j'aimerais que cet instant dure bien plus longtemps qu'il ne va durer! Ses yeux noisettes sont troublés. 

    -J'attends, dis-le. 

    Elle semble incapable de parler. Je l'empêche de bouger sa tête pour qu'elle continue de me regarder dans les yeux. 

    -Je... Ethan... 

    Elle cherche ses mots. 

    -J'en suis incapable.

    Très bien. Elle est incapable en me regardant droit dans les yeux d'affirmer que je lui mens. 

    -Dans ce cas, tu vois bien que je suis sincère."

    En cet instant, lorsque je la regarde, je la trouve toujours aussi belle. Elle me paraît encore plus adorable, perturbée comme elle l'est. Son visage est si prêt. Je sens la peau douce de ses joues sous mes mains. Si je me rapprochais encore un peu, je pourrais... 

    Mes actes dépassent mes pensées. Mes lèvres se sont posées sur celle d'Anna. Je ne pensais pas que je le ferais. J'avais déjà eu envie de l'embrasser mais jamais je n'aurais pensé oser. Je pensais qu'en l'embrassant, je ressentirais quelque chose. Oui, quelque chose de différent que lorsque j'ai pu embrasser d'autres filles qui ne comptaient pas pour moi. Étrangement, je ne ressens rien de bien particulier. L'embrasser c'est sympa mais rien de plus. J'en suis presque déçu.... Le baiser prend fin. Elle ne m'a pas répondu. Je mets cela sur le compte de la surprise.  

    Est-ce que j'ai encore fait un erreur? 

    Point de vue d'Anna:

    Alors que nos regards sont l'un dans l'autre, j'ai l'impression que ses yeux me brûlent, qu'il lit en moi toutes les émotions que je suis capable d'éprouvée à ce moment. Et honnêtement, c'est très perturbant. Je n'arrive plus vraiment à réfléchir. Tout est confus dans ma tête. Je commence à douter qu'il me mente réellement. Je suis d'ailleurs incapable de l'affirmer lorsqu'il me le demande. 

    Et puis, j'ai du mal à comprendre ce qu'il se passe ensuite. Avant même que mon esprit ait le temps de l'assimiler, Ethan m'embrassait. Sous le choque de la surprise, je n'ai eu aucune réaction. Mon premier baiser... Ethan est le premier à m'embrasser. J'avais longtemps imaginé à quoi embrasser quelqu'un pouvait ressembler. Je m'étais imaginée les sensations qu'on pouvait ressentir à ce moment précis. Je pensais que ce serait comme un feu d'artifice se propageant du plus profond de mon être jusqu'à la pointe de mes doigts. J'avais aussi entendu parler de l'effet d'avoir comme des papillons voltant à l'intérieur du ventre. Et bien, la réalité est totalement différente. Ce n'est pas que je n'ai rien ressenti, c'est juste... que ce n'est pas du tout ce à quoi je m'attendais.

    Je ne peux pas dire que je n'ai rien ressenti lorsque ses lèvres ont rencontré les miennes. Mon coeur a fait un bond dans ma poitrine et je me suis senti un peu étrange, comme si je perdais l'équilibre. Mais... rien de plus. Il n'y avait aucune étincelle, aucune "magie" comme j'avais pu me l'imaginer. Est-ce que c'était réellement cela embrasser ? Ou était-ce parce que c'était Ethan?

     Il s'est écarté de moi et me fixe d'un air gêné.

    "Pardon, j'aurais pas dû.

    Je suis encore plus gênée que lui. Je n'arrive même pas à articuler le moindre mot. En même temps, je ne me serais jamais attendue à ce qu'il m'embrasse. S'il est sincère, pourquoi a-t-il couché avec Amandine? Je ne comprend pas! Je ne comprend strictement rien ! Il n'y a aucune logique. Sauf s'il n'est pas sincère avec moi. Ethan semble remarquer l'agitation transforme mon esprit en une vraie tornade infernale. La question me brûle les lèvres mais je pense que j'ai tellement peur de la réponse qu'elle ne franchit pas ma bouche. 

    -Anna, sois franche, tu as ressenti quelque chose ? 

    Qu'est-ce que je devrais avoir ressenti exactement? Je me sens embrouillée, perdue. Je ne sais pas quoi lui répondre. J'avais imaginé quelque chose d'extraordinaire mais je n'ai rien ressenti de tel... 

    -Je.... je ne pense pas. 

    Ethan me regarde. 

    -Ne t'inquiète pas. Je pensais que... 

    Il s'arrête au beau milieu de sa phrase et cherche les mots adéquats. 

    -Tu sais quoi? Je pensais t'aimer. En t'embrassant, je me suis dit que peut-être je pourrais y voir plus clair. Alors, s'il te plait, je veux savoir ce que toi, tu as à dire. 

    Ah! Mince, c'est le moment où je suis censée répondre. Mais je ne sais toujours pas quoi dire! 

    -Ethan... Je... Je suis désolée. Mais...

    Chaque mot prononcé me fait de la peine pour lui. S'il est sincère, mes mots doivent lui faire mal, non? Je m'en veux. Cependant, Ethan n'a pas l'air si triste que cela pour quelqu'un qui vient de se rendre comme qui dirait un râteau... Non! Ne me dites pas que c'est ce que je viens de faire?! Je me sens vraiment mal par rapport à lui. Très très mal. Il a beau être un idiot, avoir couché avec une fille deux jours avant... Il reste Ethan. 

    -C'est bon, j'ai compris, me coupe-t-il en souriant. 

    Son sourire n'a rien de lumineux, il semble même forcé. Je me triture les doigts, presque honteuse d'être la cause de ce malheureux sourire. 

    -De toute façon, j'ai rien ressenti de spécial moi non plus, continue-t-il. 

    Il passe sa main dans ses cheveux en soupirant. 

    -On en reste là ? me demande-t-il.

    -Là?

    -Oui. Je vais pas forcer. Je pensais que je ressentirais quelque chose de différent en t'embrassant, toi, mais ce n'a pas été le cas. Tant pis, dit-il en haussant les épaules. Mais... on reste amis? 

    Je sens dans sa voix une crainte: celle que je refuse. Je me sens coupable d'avoir penser du mal de lui même si c'était probablement mériter avec ce stupide jeu. C'est comme une boucle infernale avec Ethan. Il aura beau être aussi bête qu'il le peut dans ses actes et êtres parfois plus qu'horrible, je finirais toujours par ne plus lui en vouloir totalement, justement parce que c'est Ethan. Mais jamais Ethan ne sera plus qu'un ami. 

    -Oui."

    Cette fois, c'est un sourire plus franc auquel j'ai droit et il me réchauffe un peu le coeur. Puis, presque au même instant que mon "oui", la mère d'Ethan l'appelle car ils vont rentrer chez eux. Ethan sort de ma chambre, en passant à côté de moi, il m’ébouriffe les cheveux. Je souris et sors à mon tour. 

    Quand je me retrouve dans mon lit, la lumière éteinte, je repense à cette soirée. Je me pince pour m'assurer que je suis bien totalement dans la réalité et je peux affirmer que c'est le cas. 

    Je ne peux pas m'empêcher de penser que ce jeu a peut-être briser une relation différente entre Ethan et moi. Sans, je ne pense pas que j'aurais eu un jour des images de la personnalité d'Ethan aussi négatives que celles que j'ai pu voir apparaître avec leur jeu. Sans celui-ci, est-ce que j'aurais pu aimer Ethan bien plus que je ne tiens à lui en ce moment? Est-ce que j'aurais ressenti quelque chose de différent lorsqu'il m'a embrassée? Jamais je ne le saurais. Les hypothèses germant dans ma tête, ce soir, sont vouées à ne jamais avoir de réponse.  J'aurais beau toutes les imaginer, rien ne changera la réalité.  Je souhaite juste à Ethan de finir avec quelqu'un de bien qu'il respectera et chérira sans avoir un intérêt douteux pour cette personne. Oui, c'est ce que j'espère pour lui. Et j'espère aussi que ce jeu ne détruira rien de plus que ce qu'il a déjà détruit autour de lui. 

    Le lendemain, je ne peux pas m'empêcher de raconter ce qu'il s'est passé le soir d'avant chez moi entre Ethan et moi à Mathilda et Jenny. La première peste contre Ethan en l'insultant de quelques noms d'oiseaux; quelque chose me dit qu'elle n'approuve pas du tout ce qu'il s'est produit. La seconde me semble surprise mais ne fait aucun commentaire sur l'instant. 

    "Tu aurais dû le repousser, Anna! s'exclame Mathilda.

    -Mais... 

    -Il n'y a pas de mais possible. Tu viens de nous dire toi-même que tu n'avais que de l'amitié pour lui. A la limite, tu l'aimerais, j'aurais pu comprendre que tu ne l'ais pas repoussé mais là... je ne comprend pas. Et rassures-moi, tu n'as pas cru qu'il était sincère?  

    -Je n'ai pas eu le temps de réagir, je n'ai pas compris ce qu'il faisait sur l'instant. C'est comme si ma tête s'était arrêtée de fonctionner. Et si... je pense qu'il l'était... 

    -Anna, Ethan a lui-même choisi de participer à ce jeu. Il sait qu'il lui ai interdit d'aimer un des pions. Rends-toi à l'évidence, il a voulu te manipuler pour voir ta réaction, ajoute Jenny avec un ton plus calme que celui de la blonde qui trépigne sur place. Crois-moi, Ethan est un bon acteur pour te faire croire ce que tu veux. 

    Je la regarde, j'avais oublié le temps d'un instant ce qu'Ethan lui avait fait.

    -Je suis désolée, Jenny. Mais je ne pense pas du tout qu'il mentait."

    Nous n'avons pas la même vison de lui. Je suppose qu'Ethan n'évoque pour elle que quelque chose de négatif à présent. Si j'étais à sa place, il est plus que probable que je le détesterais. N'importe qui aurait des raisons de lui en vouloir si cette personne était à la même place que Jenny. Et, si je ne pourrais pas comprendre ce qu'elle a vécu réellement, je peux au moins l'imaginer et le tolérer. D'ailleurs, peut-être que c'est moi qui me trompe et que Mathilda et Jenny ont raison. Mais au moins, maintenant, c'est très clair, Ethan et moi, nous ne sommes que des amis. 

    Point de vue d'Ethan:

    Je ne parle à aucun des autres joueurs du fait que j'ai embrassé Anna. D'une part, cela ne les regarde pas. Si j'avais couché avec elle, par exemple, dans le contexte du jeu, cela les aurait regardé. D'autre part, se serait comme avouer a moitié qu'Anna avait une valeur plus importante à mes yeux qu'être juste un pion de notre jeu.

    Il faut savoir que je me suis pris très rarement des vents par les filles dans ma vie. A vrai dire, c'est le deuxième. Mais le premier était il y a déjà quelques années, lorsque j'étais au collège. Et ce n'est pas vraiment agréable même si je ne me faisais pas vraiment d'illusion. Je ne vais pas dire qu'Anna a fait un erreur en me repoussant car je ne le pense pas. Elle aurait pu peut-être me laisser une chance mais si elle l'avait fait, cela aurait été par pitié ou compassion ? Je préfère que les choses soient ainsi au final. C'est bien plus simple. En revanche, si elle se mettait à sortir avec un boulet, je ne le permettrait pas. Je ne me permettrais pas d'avoir "perdu" face à un mec stupide qui ne la chérirait pas. Argh! Je devrais être plus égoïste! Je devrais la vouloir uniquement pour moi. En fin de compte, ce n'était pas le genre d'amour que je pensais ressentir pour elle. Je m'en suis rendu compte en l'embrassant. Et puis, il n'y a eu aucun déclic chez elle non plus. Après réflexion, n'être qu'un ami pour est une place qui, finalement, me convient tout à fait. Je préfère cela au fait qu'elle me déteste pour mes conneries. 

    Une tornade blonde me sort de mes pensées en se plantant devant moi. Je soupire avec une lassitude plus qu'apparente. 

    "Je ne suis pas d'humeur à me quereller avec toi, aujourd'hui.

    -Faut qu'on parle sérieusement.

    -Et à quel sujet? 

    Elle me regarde avec un air de reproche dans les yeux qui dit : te fous pas de moi, tu le sais très bien. Et elle n'a pas tord.  J'aimerais juste tourner autour du pot le plus longtemps possible... chose qu'elle ne m'accorde pas:

    -Anna. Elle nous a raconté, à Jenny et moi ce qu'il s'est passé chez elle. 

    Je ne suis pas étonné. 

    -Et? Tu n'es pas concernée. 

    -Tu n'es qu'un abruti! Tu l'as toute chamboulée! C'était brutale pour elle. 

    -J'avais une occasion à laquelle je n'ai pas résisté. Tu ne viens pas pour me faire la leçon?

    -Non. Contrairement à Jenny et à Anna qui doute encore un peu, je pense que tu as été sincère et, crois-moi, je ne pensais pas le dire un jour.  

    -Tu es venue juste pour me dire ça? 

    -Non. Je voulais te dire que je trouve ça courageux de ta part... même si tu aurais pu le faire de façon plus romantique sans la surprendre comme tu l'as fait. 

    -Qu'est-ce que ça aurait changé? Au final, je me serais pris un râteau quand même. 

    -Elle te voit comme un frère. 

    Je le sais ! Merci de me le répéter, comme si je ne l'avais pas compris... Mathilda me regarde avec une certaine perplexité. 

    -Ethan... tu es triste? 

    -Non, je suis super heureux, ça se voit non? 

    Je grogne. Cette fille est totalement conne ou quoi? 

    -Oh c'est bon! Je venais juste car je m'inquiétais pour toi. Si c'est pour me parler sur ce ton, je ne sais même pas pourquoi je ne suis venue. 

    Elle? S'en faire pour moi? J'ai envie de rire. 

    -Qu'est-ce que ça peut te faire de toute façon? On est pas pote, on n'est même pas proche. 

    -Je sais ce que cela fait de se faire recaler par quelqu'un dont on est très proche. Tu ne vas même pas essayer de te battre pour elle, abruti? 

    -Non. J'ai pas envie de me débattre pour une cause perdue.

    -Tu es bien pessimiste. 

    -J'ai rien ressenti en l'embrassant, Mathilda. J'aurais embrassé une vitre, une porte ou un mur c'était pareil. Je me suis fait des illusions. Je pensais l'aimer mais ce n'était pas le cas, je n'ai plus qu'à l'accepter mais j'ai besoin d'un peu de temps. Ce n'est pas automatique. 

    -De qui parlez-vous? "

    Mahtilda et moi, nous nous tournons vers la personne qui vient de prononcer cette question. Léo. 


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  • Point de vue d'Anna:

    Je suis dans mon bus. Je serais chez moi dans une petit dizaine de minutes. Dans ma poche de manteau, je sens mon portable vibrer.  Je le sors et regarde. Il s'agit d'un message venant de Léo. Je l'ouvre.

    Demain matin, dès que tu arrives au lycée, je veux te voir.

    Je relis le message deux fois. Qu'est-ce qu'il me veut?  Je lui demande pourquoi mais je n'obtiens aucune réponse. C'est alors que je commence à m'inquiéter. Je pense tout de suite à Ethan. Est-ce que ce dernier lui aurait parlé de ce qu'il s'est produit? Même si j'en doute, c'est une possibilité. Mais, qu'est-ce que Léo voudrait bien me dire dans ce cas? Et puis, pourquoi je m'inquiète d'abord? 

    Le lendemain, je n'ai pas besoin de cherche Léo. Il vient de lui-même à moi. Il faut dire que je comptais plus chercher à l'éviter qu'à aller à sa rencontre. J'étais avec Jenny. Léo me tire par le bras pour m'emmener plus loin afin de nous isoler un peu plus. En tout cas, pour que Jenny ne nous entende plus. 

    "Tu me fais mal au bras. 

    Léo me lâche le bras sans s'excuser. 

    -Qu'est-ce que tu voulais me dire? 

    -Tu kiffes Ethan? 

    Sa question me surprend et je ne peux pas m'empêcher de le regarder avec des yeux ronds. Je lui réponds, premièrement, que cela ne le regarde absolument pas. Seulement, il insiste. 

    -Qu'est-ce que ça peut te faire? 

    -Presque rien, me répond-t-il. 

    Son regard s'oriente vers mon bracelet. Je cache mon bras derrière moi , un peu par réflexe. Ses yeux se tournent alors vers mon visage. 

    -Tu ne vois pas plus loin que le bout de ton nez, Léo. Toi, il n'y a que ce stupide bracelet qui t'intéresse. 

    -Et Ethan c'est pareil. Il lui est formellement interdit d'avoir des sentiments amoureux pour un pion. Or, qu'est-ce que tu es, rappelles le moi? Un de nos pions, justement. Tu te fais des illusions. Ce n'est que du vent, que de belles paroles. 

    -Il était sincère.

    Pourquoi Léo me dit-il tout cela? Qu'es-ce qu'il recherche? Léo se met à rire. 

    -Sincère? Tu me parles de sincérité? Mais dans quel monde vis-tu, Anna? Ethan ne veut rien d'autre que ton bracelet. Il sait juste être un bon acteur pour t’ensorceler. Et tu tombes dans le panneau comme n'importe quelle greluche. Tu te fais des idées. Une fois qu'il aura ton bracelet, tu n'existeras plus pour lui. Il n'en aura plus rien à foutre. Ethan est comme moi. 

    Je le coupe, exaspérée et énervée par ses paroles. 

    -Ethan n'est pas du tout comme toi. De quel droit le critiques-tu de la sorte? Contrairement à toi, il ne pense pas qu'à ce stupide jeu. Il ne cherche pas à se foutre la gueule de toutes les filles qu'il croise! Ethan n'est pas comme toi, Léo. Et tu sais en quoi? Il respecte les décisions des autres. Et celui que tu décris avec des paroles de serpent, ce n'est pas Ethan mais toi-même. 

    Léo me regarde avec une lueur de colère largement perceptible dans ses yeux bleus. S'ils pouvaient tuer, il est certain que je serais dans une tombe. J'essaye de me faire toute petite. Si je le pouvais, je me serais recroquevillée sur moi-même. 

    -Ah ouais? Tu verras. Il te fera croire ce que tu veux entendre et tu verras, il te laissera tomber.

    -Il ne me fera rien car je lui ai dit qu'il ne se passerait rien."

    Léo me regarde quelque instants dans le silence le plus complet. Je me sens, alors, assez mal à l'aise. Il reprend alors la parole mais cette fois, il n'y a plus aucune colère dans le ton de sa voix.

    "Tu as repoussé Ethan?"

    Point de vue de Léo: 

    Je ne m'attendais pas ce qu'elle me dise qu'elle avait repoussé Ethan. Il faut dire que lorsque j'ai surpris la conversation d'Ethan et Mathilda, je n'ai pas vraiment écouté ce qu'Ethan m'expliquait. J'ai juste retenu qu'il me parlait d'Anna. Or, je ne veux pas qu'elle perde son bracelet par un autre joueur. Et, vu la proximité qui la lie à Ethan, il me semble que j'ai tout bêtement paniqué. Et pour rien en plus!  La prochaine foi, j'écouterais mieux quand les gens me parleront. 

    Non seulement je me suis fait des films, tout seul, et en plus, je viens de me ridiculiser un peu. Je me suis laissé emporter alors qu'il n'y avait pas de quoi. Il faut dire que je n'écoute plus grand chose en ce moment. Je déteste ma vie. Je déteste ces gens qui se disent mes potes mais en qui, en réalité, ne savent rien de moi. Je ne suis pas spécialement pote avec Ethan ou Byron ni même avec Nathan. Pourtant, ce sont sûrement eux, surtout Byron, en fait, qui en savent le plus sur moi. 

    Plus tard dans la journée, je croise mon cousin. Robin m'attrape par le bras pour me stopper. Je ne comptais pas m'arrêter s'il ne l'avait pas fait. 

    "T'as cinq minutes? me demande-t-il. 

    -Si c'est important, oui. Sinon, non. 

    On ne peut pas dire que je sois non plus spécialement proche de mon cousin. Il n'est certainement pas la personne en qui j'ai le plus confiance. Cependant, il reste de ma famille. Et je sais qu'en cas de coups durs, je peux compter sur lui. Robin me fixe et je finis par céder.  

    -Il s'est passé quoi chez toi, hier soir? me demande-t-il.

    Je ne lui répond pas et détourne le regard vers le sol. Ma mâchoire se crispe. Je ne savais pas qu'il était au courant. Hier soir, mon père est parti de la maison après une dispute avec ma mère. Elle pleurait. Moi, je m'étais isolé dans ma chambre, mon casque sur les oreilles pour essayer de faire abstraction de ce qu'il se passait autour de moi. Je n'avais et n'ai encore aucune envie de l'admettre. Je suppose que ma mère a appelé les parents de Robin, hier soir. Au final, mon père est revenu, tard dans la nuit et les hurlements ont recommencé mais il n'est pas reparti. 

    -J'ai pas envie d'en parler."

    Je n'ai pas envie de rentrer chez moi ce soir. Je pensais que le temps que je serais au lycée, je pourrais avoir la paix avec cette histoire. Mais elle me poursuit. J'en suis malade. J'ai envie de tout laissé tomber, de tout plaquer. Je ne comprend pas pourquoi mes parents me font subir ça. Leurs querelles incessantes ne me font que du mal depuis des années. Aucun d'eux n'est heureux et, par répercutions, moi, j'en souffre.  Mais personne ne le comprend. Ou peut-être que des gens me comprennent mais je suis trop renfermé sur moi-même pour m'en apercevoir. J'ai appris à me protéger pour limiter cette souffrance. Si je ne l'avais pas fait, je pense que cela fait un moment que j'aurais été détruit de l'intérieur. 

    Quand les cours se terminent, j'ai envie de demander à Byron si je ne peux pas venir dormir chez lui, ce soir. Je pourrais le faire. Mais à quoi cela servirait, finalement? Si j'évite la tempête, ce soir, je ne pourrais l'éviter un autre jour. J'essaye de fuir quand je vais chez Byron. Au final, je suis un lâche. 

    A la maison, je ne vois que mon père.

    "Où est maman? 

    -Encore au travail."

    Je hoche la tête, me sers un verre de coca et je vais m'isoler dans ma chambre, allumant la musique. Si ma mère n'est pas encore là, cela signifie que j'ai un peu de temps avant de devoir supporter les cris de leurs engueulades. Je ne me fais aucune illusion. J'ai depuis très longtemps abandonné l'idée que la relation entre mes parents puissent un jour s'améliorer. Elle se détériore sans cesse et je suis l'unique spectateur quotidien de ce carnage. Parfois, je me demande comment mes parents font pour ne pas s'en rendre compte car, il me parait impossible, qu'aucun des deux n'ait vu que les choses se passent aussi mal entre eux. Peut-être qu'ils le nient ? Peut-être qu'ils ont encore cet espoir que les choses redeviennent comme avant, quand j'étais petit, où ils s'entendaient encore bien? 

    J'ouvre mon cahier de maths. Je suis censé faire des exercices pour demain. Je jette un coup d'oeil au premier d'entre eux et je grimace en constatant qu'il est long et qu'il va me prendre du temps. Je n'ai aucune envie de me creuser les méninges. Je referme le bouquin et le cahier. Tant pis, je ne les ferais pas. Je ne comprend pas les élèves qui font toujours tous leurs exercices.  C'est chiant. Ils n'ont rien de mieux à faire? Leur vie est-elle si calme que la seule chose dont ils aient à se préoccuper soit de faire correctement leurs devoirs? Ou alors, leurs vies sont-elles fatigantes au point qu'ils ne trouvent que cela pour avoir l'impression de s'en échapper? Un cours instant, je pense à Anna. Elle fait toujours tous ses devoirs et les rend toujours à l'heure. Je grince des dents. En fait, j'ai remarqué que cette fille, j'avais un peu de mal à la supporter. Surtout au début. J'ai l'impression qu'elle est dans une bulle, que la vie qu'elle mène est sans difficulté particulière. Et j'ai remarqué que je lui en voulais pour cela. C'est injuste. Pourquoi des personnes auraient-elles droit d'être avec une famille aimante et bien structurée tandis que d'autres ne voudraient qu'une chose, que tout s'arrête? C'est injuste. Est-ce que je serais heureux si j'avais des parents qui ne se crieraient pas dessus sans arrêts? Si j'avais une vie différente comme celles que je viens de dépeindre? 

    Je grogne en me rendant compte de l’inutilité de mes pensées. Je peux m'imaginer tout ce que je veux, cela ne changera pas ma situation. C'est encore un stratagème d'échappatoire. J'ai le jeu aussi... C'est une façon, pour moi, d'oublier ce qui se passe à la maison. C'est pour cela que j'y accorde autant d'importance. C'est comme une bouée de secours qui m'empêche de me noyer. 

    J'aurais pu terminer bien plus bas. D'accord, je bois quand je suis en soirée, mais je ne suis dépendant de l'alcool. Je ne me drogue pas non plus bien qu'ils me soient arriver de fumer quelques produits illicites. C'était pour des occasions particulières mais je ne suis pas dépendant. J'aurais pu être un délinquant, ce que je ne suis pas. Je me rends souvent compte que j'aurais bien pu très mal tourner. Je devrais être plutôt satisfait de mon sort? 

    J'entends la porte de l'entrée s'ouvrir puis se fermer. Ma mère est là. 

    Étrangement, ce soir, il n'y a eu aucun cri. J'en suis le premier étonné. Je baisse le son de ma musique pour vérifier. Le silence le plus complet règne. Ce n'est pas normal. Je ne vais sûrement pas dire que c'est une mauvaise chose mais ce silence m'inquiète tout de même. 

    Quand l'heure du dîner arrive, je sors de ma chambre. Il n'y a toujours eu aucun cri. Dans la cuisine, je ne vois que mon père. Il est assis, accoudé à la table, sa tête entre ses mains. 

    "Rien n'est encore prêt?

    En général, c'est ma mère qui fait le repas quand elle rentre du travail. Parfois c'est mon père mais c'est bien plus rare. Il ne me répond pas.

    -Où est maman? je lui demande.

    -Elle est partie, murmure-t-il. 

    Je fixe mon père. Qu'est-ce qu'il vient de dire? 

    -Partie?

    -Oui. Elle est revenue ce soir juste pour prendre ses affaires. 

    Je me précipite dans la chambre de mes parents et ouvre le placard de ma mère. Il est totalement vide. Mon père dit la vérité. Mais pourquoi est-elle partie comme ça?! Sans rien me dire?! Elle vient de m'abandonner, moi et mon père, comme une voleuse! Je retourne dans la cuisine. Mon père n'a pas bougé. 

    -Pourquoi?! Pourquoi est-elle partie de cette façon?!

    -Cela fait bien longtemps que rien ne va plus entre nous. Depuis un moment, elle envisageait de partir. Et puis, elle a rencontré un autre homme."

    J'ai l'impression que mon monde s'écroule autour de moi. 


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  • Point de vue d'Anna:

    Trois jours ont passé. Ethan, quand il me voit, vient me saluer et me parle comme avant. Par avant, j'entends par là, avant le début de cette année-ci, quand nous nous entendions bien sur tout et que, je dois bien l'avouer, je le plaçais un peu sur un piédestal. Il me semble que la tempête est passé entre nous et que nous n'avons plus qu'à recollé les morceaux d'un puzzle. Cela paraît si simple pour lui de faire abstraction de tout. Il m'a l'air d'avoir balayé d'un revers de la main tout ce qui a pu être néfaste entre nous. C'est presque trop simple pour que j'y crois. Et pourtant, je veux croire que c'est possible qu'il redevienne pleinement mon meilleur ami. 

    Au lycée, il semble y avoir une ambiance bien étrange du côté des joueurs. Ethan ne veut pas m'en parler mais je sais que quelque chose le tracasse. Jenny a, elle aussi, voulu interroger son frère mais il n'avait rien voulu dire. Léo n'est pas venu les deux derniers jours. Et Ethan et Byron ont l'air plutôt soucieux par moment. Il lui est peut-être arrivé quelque chose de grave? Je m'inquiète un peu, pour être tout  à fait franche. Surtout qu'il y a pas mal de rumeurs assez peu rassurantes sur le fait de son absence. La plupart s'accorde sur le fait que Léo aurait eu un accident de voiture il y a maintenant trois jours. Bien sûr, cela ne reste qu'une rumeur, il n'y a aucune confirmation. Cependant, elle est si répandue qu'elle a fini par être admise comme vraie par la plupart des élèves du lycée.

    En entrant dans la salle de classe, je peux constater que Léo est encore absent. Sa chaise est vide. Son absence fait, apparemment, encore jaser les personnes. Mathilda arrive et me salut tout en souriant.

    "Tu y crois, Mathi? je lui demande. 

    Elle me regarde avec un air un peu interrogateur. Elle n'a pas l'air de comprendre de quoi je parle alors je le lui précise:

    -Du fait que Léo aurait eu un accident de voiture.

    -Non, me répond-t-elle en souriant. Ethan et Byron ont l'air d'être les seuls au courant sur le véritable motif de l'absence de Léo. Or, je ne pense pas que ce soit aussi grave qu'un accident. Ethan t'en aurait parler, dans ce cas, je pense. C'est plus probable qu'il se soit passé quelque chose dans son cadre familiale mais je suis convaincue qu'il va bien, physiquement parlant."

    Je ne serais pas vraiment expliquer pourquoi , mais ces paroles me rassurent. S'il lui est arrivé quelque chose de grave, je pense que je me sentirais affectée. Nous ne sommes pourtant pas spécialement très proches. Mais il reste quand même, au final, quelqu'un que je connais. Et je suppose que c'est pour cela que je m'inquiète pour lui. 

    Quelques minutes plus tard, toute la classe se tait. Le silence règne au maître en moins d'une seconde. Étonnée par celui-ci, je me retourne pour en découvrir sa cause. Léo est là. Il vient tout juste d'entrer dans la classe. Tous les regards sont tournés vers lui. Il est d'une pâleur maladive et n'a pas l'air véritablement présent. Son esprit doit vagabonder probablement ailleurs. Il n'a pas de plâtre ni de béquilles ni de pansements laissant supposer qu'il ait eu un accident. Cette rumeur me paraît alors fausse. Il n'empêche qu'il n'a pas du tout l'air bien. Certains de ses potes, de la classe, lui demande le motif de son absence mais Léo se contente de rebondir que un autre sujet. Il assure que s'il est de nouveau là, c'est que tout va bien. Il faudrait être complément aveugle pour le croire. Mathilda me regarde avec un sourire victorieux.

    "Tu vois, je te l'avais dit. Aucun accident. 

    Je lui souris. 

    -Effectivement, tu avais raison."

    Et je suis soulagée qu'elle ait eu raison. 

    Le midi, Mathilda et moi, nous rejoignons Jenny. Cette dernière nous attend à une table. 

    "Léo est revenu, apparemment? nous demande-t-elle.

    Je hoche la tête.

    -Pas mal de monde en parle, la nouvelle est arrivée jusqu'à ma classe. 

    Mathilda soupira.

    -C'est fou comme tout le monde s'intéresse à la vie des joueurs."

    Jenny jette un coup d'oeil vers la table où Léo vient juste de s'asseoir avec ses potes, dont Byron. Ethan n'est pas avec eux, il a ses propres potes et, disons, que les joueurs mangent rarement, voir quasiment jamais, tous ensemble. Ethan est un peu plus loin et à côté de lui se trouve Amandine. Je dois avouer que je suis étonnée de la voir à côté de lui. En plus, il lui parle en souriant. Les voir rire ensemble me dégoûte un peu. Je serais jalouse? Bon, il est vrai que je ne porte pas spécialement Amandine dans mon coeur... Mais je ne devrais pas être autant embêtée de la voir avec Ethan. En fait, j'aurais préféré qu'il la traite comme Léo a traité Kim, c'est-à-dire, en l'ignorant totalement. 

    Jenny me regarde et me donne un petit coup de coude.

    "Anna, serais-tu jalouse? me lance-t-elle avec malice. 

    -Non. Bien sûr que non. Je ne comprend pas juste, pourquoi il fait cela?

    C'est vrai, elle ne représente rien pour lui, si? J'ai dû louper quelque chose dans le cas contraire. 

    -Ethan n'est pas aussi dur que Léo avec les pions à qui il prend les bracelets, me répond Jenny. Il ne les ignore pas de manière brutale. Amandine n'est rien pour lui. Mais il sait qu'il l'a séduit et qu'elle s'est attachée à lui. Il coupe les ponts doucement pour tenter de lui faire le moins de mal. C'est stupide.

    J'allait lui demander comment elle sait toute cela mais je ne le fais pas parce que je me rend compte qu'elle sait parfaitement de quoi elle parle. Elle a été à la place d'Amandine. 

    -Je préfère la méthode de Léo. C'est comme un pansement, plus on le retire vite, moins on souffre après, grogne Mathilda. Là, cette cruche s'attache encore plus à lui et pense qu'elle peut encore espéré quelque chose de lui car il se montre sympathique même s'il lui a pris son bracelet."

    Jenny hoche la tête tandis que les fixe, chacune leur tour. Je ne suis pas d'accord avec elle. Il me semble que la façon de faire de Léo est plus cruelle. D'ailleurs, quand on parle du loup, Jenny nous confie qu'il va encore venir dormir chez elle et Byron ce soir. Elle nous assure qu'elle laissera traîner ses oreilles. Je lui rétorque que ce n'est peut-être pas une chose à faire car Léo n'a pas l'air dans son assiette, aujourd'hui. La curiosité de Jenny est compréhensible, moi-même, je le suis parce que je me demande bien ce qui peut affecter autant quelqu'un, avec un coeur de glace, comme Léo. En revanche, c'est aussi pour cela que trop vouloir découvrir ce qui le met dans cet état est une mauvaise chose. C'est là une curiosité vraiment mal placée. Jenny me regarde, sourit et me taquine en me disant que je fais preuve de trop de sagesse. Mathilda l'imite mais elle reconnaissent qu'effectivement, c'est de la curiosité mal placée. 

    Point de vue de Jenny:

    J'aide Byron a faire le lit où dormira Léo. Je décide d'encore une fois tenter réinterroger mon frère. 

    "Le fait qu'il vienne a un lien avec le fait qu'il ait été absent? 

    -T'es une vraie fouineuse, Jenny, grogne-t-il. Et arrête de me poser des questions, je ne te dirais rien.

    Je fais mine de bouder et Byron lève les yeux vers le plafond. 

    -Et, par contre, fous lui la paix quand il sera là."

    Comme si je n'avais pas l'habitude... Quand Léo est là, et même quand il n'est pas là, je suis assez rarement avec Byron. Il n'empêche que je parle de plus en plus avec mon cher jumeau. 

    Léo arrive très tôt dans la soirée, plut tôt que les autres fois. Il a l'air toujours aussi abattu et ailleurs. Son visage est d'ailleurs, toujours aussi pâle. Byron lui propose à manger mais Léo s'empresse de refuser expliquant qu'il n'a pas faim. Comme pour le contredire, son ventre gargouille. Byron soupire et le force à, au moins, manger une pomme. Devant son insistance, Léo finit par céder. 

    Lorsqu'il prend sa douche, je suis avec mon frère devant la télé. On regarde un film qui vient à peine de commencer quand un téléphone se met à vibrer sur la table basse devant nous. Ce n'est ni le mien ni celui de mon frère mais bien celui de Léo. Je me penche, au-dessus, pour voir qui appelle. Je ne vais pas décrocher. Sur son écran, à côté des boutons pour répondre ou non, je vois le nom de "Maman". Ah ? Sa mère l'appelle? Il aurait oublié quelque chose en venant ici? Byron soupire. 

    "Jenny, arrête de te mêler des affaires des autres", me gronde-t-il comme si j'étais une enfant.

    Je me remet au fond du canapé, l'air de rien. Il secoue la tête d'un air désapprobateur. Quand Léo sort de la salle de bain, mon frère lui indique qu'il a manqué un appel. Il a l'air un peu étonné et va voir son téléphone. Il le prend et demande à Byron s'il peut aller dans le jardin pour téléphoner. Mon frère hoche la tête. Est-ce si grave pour qu'il veuille s'éloigner et être certain qu'on n'entende pas sa conversation? Enfin, si quelqu'un le gêne, je pense que ce n'est pas mon frère mais plutôt moi.

    Point de vue d'Anna:

    Le lendemain, Jenny nous raconte le peu de chose qu'il s'est passé chez elle, hier soir. Après son appel avec sa mère, Léo semblait énervé mais il n'a rien dit. Jenny nous apprend qu'il dort encore chez elle et Byron ce soir.

    "Une vraie espionne, se moque Mathilda. 

    -Si tu étais à ma place, ose me dire que tu ne ferais pas pareil", lui réplique Jenny.

    Mahtilda a l'air de réfléchir quelques secondes avant de lui répondre qu'elle n'a pas tout à fait tord. Et je dois bien avouer, que moi aussi, à la place de Jenny, je ferais preuve de pas mal de curiosité.. Bon, j'aurais sûrement essayer d'être plus discrète qu'elle. 

    Le soir, après les cours, je dois promener le chien d'une vieille voisine. Un gros labrador bien trop nourri et qui ne doit pas tellement bouger la plupart du temps vu ses kilos en trop. Elle me paye un peu quand je lui promène Prince. En plus, c'est un vieux chien. Alors forcément, toutes ces petites choses ajoutées les unes aux autres font que Prince est un chien agréable à promener pour quelqu'un comme moi. Il n'avance pas vite et ne tire pas sur sa corde. 

    Je promène Prince depuis maintenant une demi-heure environ. Nous sommes sur le chemin du retour car je vois bien que la pauvre bête veut rentrer chez elle pour se coucher dans son panier. Je pense que ce chien ne vivra pas jusqu'à l'année prochaine. C'est un compagnon adorable mais il faut se rendre à l'évidence, il est aussi mou qu'une tortue et sa vieillesse ne l'arrange pas. Alors que nous passons dans un parc pour rentrer plus rapidement, car oui, je lui épargne le grand tour comme j'aurais pourtant dû le faire si je voulais bien suivre les ordres de sa maîtresse. Alors que j'encourage Prince à bien vouloir avance quand monsieur ne souhaite qu'une chose, se coucher dans l'herbe pour ne plus avancer. Je trouve que je suis vraiment très patiente avec ce chien.

    Alors qu'il s'est arrêté au moins pour la cinquantième fois depuis cinq minutes, et que je commence à être un peu agacée, je remarque qu'en face de nous il y a un banc. Et sur ce banc, il y a quelqu'un. Quelqu'un que je connais. Léo est assis, la tête regardant vers le ciel. Il devait probablement courir si j'en juge à la tenue de sport qu'il porte. Quand il ne regarde plus le ciel, il me remarque. Je ne m'attendais pas à le voir. Et lui non plus ne devait pas s'attendre à me croiser vu l'expression de son visage à cet instant. 

    La pluie menaçait de tomber depuis un moment. Les nuages assombrissaient le ciel d'une triste teinte grisâtre. Mais je ne pensais pas que la pluie tomberait tout à coup et surtout pas en torrent. Prince se relève aussitôt sur ses quatre pattes, la pluie semblant le motiver à bouger pour se mettre au sec. Et disons qu'il ne compte pas aller bien loin puisqu'il y a un petit abris à quelques mètres de nous. Pour une fois, Prince fait preuve de motivation et me tire sous l'abri. La pluie martèle le sol. Léo vient, lui aussi, s'abritait. 

    Il jure en enlevant sa capuche. Je suppose qu'il n'y a plus qu'à attendre que la pluie se calme voir même qu'elle s'arrête. Prince se secoue pour enlever l'eau de ses poiles, m'éclaboussant au passage. Bon, j'étais déjà trempée à cause de l'averse mais je me serais bien passée de cette deuxième mini-douche. Léo jette un coup d'oeil vers le vieux chien avant de regarder droit devant lui, en direction du parc. 

    "Je ne savais pas que tu avais un chien, se contente-t-il de me dire.

    -Ce n'est pas le mien. Il est à ma voisine. Je le promène juste, des fois, à l'occasion. 

    Je ne suis pas vraiment obligée de lui donner autant de détails et pourtant, je le fais et je lui pose même une question par la suite. 

    -Et toi, tu étais en train de courir, non?

    J'aurais pu ne dire par la suite. Nous nous serions murer dans le silence jusqu'à ce que l'averse se calme. Cela été aussi une solution plaisante mais, j'avais quand même envie de lui parler, même si ce n'était pas très naturel de chercher ses mots comme je le faisais. Léo avait l'air si mal depuis quelques jours que je me dis que le laisser sombrer dans la solitude n'est pas une bonne chose. Je me demande si des idées noires lui ont déjà traverser l'esprit? Si je lui parle, même si ce n'est que de choses banales, peut-être oubliera-t-il, ne serait-ce que quelques instants, ses problèmes? 

    -Ouais."

    Il n'avait pas forcément envie de parler? Oh, cela aussi, elle pouvait le comprendre. Elle ne le forcerait pas à parler s'il n'en avait aucune envie. Elle regarda Prince et lui caressa la tête. Le gros chien aboya de contentement, appréciant les caresses sur sa tête. Le canidé se tourne vers Léo et le regarde avec de grands yeux quémandant des caresses, la langue pendue vers le sol. Léo regarde la bête quelques instants et soupire avant de céder et de poser sa main sur la tête du chien. 

    Tout à coup, le téléphone de Léo sonne. Il arrête aussitôt de caresser Prince et le sort de poche de jogging. Il regarde le numéro, semble hésiter à répondre mais finalement, il décroche. Il cherche à s'éloigner mais l'abris est trop petit. 

    "Allô maman? "

    Il lui parle pendant quelques minutes. J'ai un peu honte d'entendre sa conversation. J'ai l'impression que je ne devrais pas entendre tout cela. Je ne me sens pas vraiment à ma place. Il parle de prendre ses affaires pour les déménager chez sa mère. Il parle aussi de son père. Il essaye de ne pas parler fort afin que je n'entende pas. Manque de chance, cela ne marche pas. J'entends toute leur conversation et en l'entendant, je comprend pourquoi il est dans cet état depuis plusieurs jours. Enfin, quand il raccroche, je n'ose pas lui poser la question. Lui demander: Au fait, tes parents se sont séparés?... Ce n'est pas vraiment très fin ou diplomatique de ma part. Je regarde le sol de gravillons du parc martelé par la pluie. Je ne dis pas un mot, c'est lui qui prend la parole.

    "Tu as tout entendu, n'est-ce pas? 

    Je me contente d'hocher la tête faiblement. Il m'ordonne alors de répondre par des mots de façon clair.

    -Oui."

    Léo s'approche de moi, m'attrape le bras, me retourne face à lui et m'enlace, laissant sa tête tombée sur l'une des mes épaules. Je ne réagit pas. J'ai à peine vu son visage dont les joues étaient trempés par les larmes. Il pleure. Il pleure appuyé sur mon épaules, secoué par des sanglots. Je ne ressens aucune pitié ou compassion pour lui, juste une immense tristesse devant son désarroi. Je le prend alors moi aussi dans mes bras, n'étant pas insensible à sa détresse, et je lui frotte le dos dans le but de tenter de le réconforter, ne serait-ce qu'un peu.  


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  • Point de vue d'Anna:

    Je ne sais pas exactement combien de temps Léo et moi restons dans cette position. Tout le temps qu'il pleure en tout cas. Et même plus. Léo, même s'il ne pleure plus, continue de sangloter contre mon épaules. Mes vêtements sont déjà trempés par la pluie alors ce ne sont pas de malheureuses larmes qui vont en rajouter me mouiller un peu plus. 

    La pluie s'est d'ailleurs totalement arrêté. Prince se met à aboyer et à tirer sur sa laisse, semblant maintenant impatient de rentrer chez lui afin de retrouver son panier douillet et son bol de croquette. Léo relève la tête. Sur ses joues, je peux distinguer parfaitement le chemin emprunté par chaque larme. Ses yeux sont rougis et il a une sale tête.

    "Tu devrais renter, me dit-il. Et te sécher. Tu vas attraper froid."

    Sa voix ne tremble même pas. Il parle de manière décontracté comme si de rien n'était. Je suis sacrément surprise. Comment fait-il? Léo met sa capuche de sweat sur la tête et part en footing me laissant seule, sans un merci ou un au revoir, avec Prince qui tire toujours sur sa laisse, et donc sur mon bras. Je le regarde s'éloigner avec de tourner ma tête vers Prince.

    "Oui, oui, ne t'en fais pas, on rentre."

    Je ramène Prince à sa maîtresse et rentre chez moi. 

    Le soir, dans mon lit, je ne trouve pas le sommeil. Je ne peux pas m'empêcher de penser à Léo. Il a bien des problèmes familiaux et qui en plus le touche directement. Byron et Ethan sont très probablement au courant. Et ils doivent aussi très vraisemblablement garder le secret à la demande de Léo. Je ne devais savoir, normalement, ce qui l'attristait autant. Je l'ai su totalement par hasard. Alors, comment dois-je me comporter avec lui ? Dois-je essayer de lui parler et d'être là pour lui? Parce que, mine de rien, il me paraît que ce n'est pas anodin ce que j'ai appris et je me sens un peu concernée. Ou dois-je faire comme si je ne savais rien? Intérieurement, je sais qu'elle est la réponse qui conviendrait le mieux à Léo: la seconde. Le sommeil finit par m'emporter dans ses bras. 

    Le lendemain, au lycée, je décide de, finalement, faire comme si de rien n'était vis-à-vis de Léo. Si lui vient me parler alors j'aviserais. A vrai dire, je me sens quand même un peu gênée par cette situation. Mathilda me demande ce que j'ai fait hier soir après les cours, je lui dis simplement que j'ai promené le chien de ma voisine. Je juge inutile et même un peu inapproprié de lui parler de Léo. Ce n'est pas vraiment mentir, si? Je ne dis juste pas entièrement toute la vérité. En revanche, je reste dans la vérité tout de même puisque je n'invente rien. Ou alors, j'essaye simplement de me convaincre que ce que je fais n'est pas quelque chose de mal.

    Mathilda passe sa main devant mes yeux.

    "Anna? Anna, tu rêves? 

    Je cligne des yeux en sursautant un peu. 

    -H-hein? Euh... oui, je pensais au DM de philo à rendre pour la semaine prochaine."

    Là, en revanche, je mens. Mathilda me fixe quelques instants avant de soupirer et de me dire que je suis une bien piètre menteuse. Elle me demande à nouveau à quoi je pensais et je me contente de lui répondre, en souriant, que je n'ai pas spécialement envie d'en parler. 

    Plus tard dans la journée, un de nos professeurs est absent, nous laissant donc une heure de libre. Nous jouons aux cartes avec Mathilda et d'autres personnes de la classe. Alors que nous sommes en pleine partie, Léo, qui est la table d'à côté, me fixe. J'évite de regarder dans sa direction car son regard me gêne un peu. 

    "Anna? m'appelle-t-il. 

    Je ne peux pas l'ignorer et encore moins devant tout le monde car sa voix est tout à fait audible. 

    -Oui? dis-je ne tournant mon regard vers lui. 

    -J'aimerais te parler. Viens. "

    Il se lève et m’incite à en faire autant. Mathilda me lance un regard interrogateur et je lui glisse en murmurant que je lui raconterais tout mais plus tard. Je suis un peu embarrassée qu'il demande à me parler, à part, comme ça, devant tout le monde. En soi, ce n'est pas le fait qu'il veuille me parler de quelque chose le problème, c'est le fait que je sache exactement ce dont il souhaite me parler et que cela ne me plait guère car c'est gênant. 

    Il m’amène dans un couloir désert puisque les élèves, enfin la plupart, sont en cours à cette heure-ci.

    "Je voulais qu'on parle d'hier, commence-t-il. 

    -Je m'en doutais.  Tu sais, je n'en ai parlé à personne, je lui répond. 

    -Ouais et bien, t'as pas intérêt à le faire. 

    -Il n'y a aucune raison que je le fasse. Même si je te détestais, je le garderais pour moi."

    Léo me regarde quelques instants, le visage impassible. Il hoche simplement la tête. Je ne lui dirais pas que je suis désolée de ce qu'il lui arrive car j'ai le sentiment qu'il le prendrait mal. 

    Point de vue de Mathilda: 

    Je m'inquiète vraiment beaucoup pour Anna depuis ce matin. Elle a l'air tout le temps ailleurs, perdue dans ses rêveries. Et puis, j'ai la désagréable impression qu'elle me cache quelque chose. J'ai bien vu qu'elle me mentait ce matin. Je m'en fiche qu'elle n'ait pas envie de me dire quelque chose mais ce qui m'inquiète c'est plutôt la raison pour laquelle, elle ne me le dit pas. 

    Et maintenant, Léo qui veut lui parler en privé. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.  J'irais probablement en parler à Ethan si jamais Anna continue d'avoir ce comportement. Adresser la parole à Ethan est certainement quelque chose dont j'aimerais me passer. Je ne le déteste pas mais si je pouvait éviter de lui parler, je ne le refuserais pas. 

    Quand Anna et Léo reviennent, je ne peux rien demander à Anna car il y a trop de monde autour, dont Léo. Et ce ne serait pas très discret de ma part. Je dois donc prendre mon mal en patience. 

    Plus tard, alors que j'interroge Anna, celle-ci me sort encore des bobards. Enfin, c'est uniquement ce dont j'ai l'impression.

    "Ecoute, Anna, je ne veux que ton bien. Tu le sais, non? Alors cesse un peu de me raconter n'importe quoi depuis ce matin. Tu m'as dit que tu m'expliquerais tout plus tard et nous sommes plus tard. 

    -Plus tard... mais ce n'est pas assez plus tard, réplique-t-elle. Je suis désolée, Mathi, mais je ne peux vraiment t'en parler.

    -Alors donne-moi une seule bonne raison que tu gardes ce qui te tracasse pour toi. 

    Et elle a intérêt à être bonne. 

    -J'ai promis que je n'en parlerais à personne. Et je veux tenir cette promesse. Ce n'est pas la peine de t’inquiéter, il ne m'est rien arrivée. Et ce qui me tourmente n'a pas de lien direct avec moi."

    Je la regarde. Une promesse? Elle aurait promis quelque chose à Léo? Bon, qu'elle ait faite une promesse, ce n'est rien mais quand il s'agit de Léo, c'est différent. Je ne sais pas ce qu'il lui a fait mais j'espère qu'il n'a pas d'idées derrière la tête. 

    Je grimace. C'est dans ce genre de moment que je me sens légèrement parano sur les bords. Je commence à me méfier de vraiment tout et n'importe quoi alors que je n'ai pas forcément de raison de me méfier d'ailleurs. Ce jeu est tellement pourri jusqu'à la moelle. A cause de lui, je me sens devenir bien plus méfiante. J'aimerais m'en défaire mais, pour m'en éloigner, il faudrait que je perde ce bracelet et cette option ne me réjouit pas vraiment. Et puis, quand Ethan m'a mis ce bracelet, je me suis faite la promesse de gagner ce jeu en résistant aux avances des joueurs. Et pour le moment, je dois bien dire que je m'en sors plutôt plus que bien. 

     Un peu plus tard, je croise Ethan qui est avec des potes à lui. 

    "Ethan! Ramène-toi, j'ai une question à te poser", je lui ordonne.

    Ethan me regarde un peu de travers et me réplique qu'il n'aime pas du tout la façon dont je lui parle et que si je veux qu'il vienne, il faudrait que je pense à changer de ton. Je reconnais que je lui parle assez mal. Mais je n'y peux rien, c'est comme un réflexe de ma part de lui adresser la parole de cette façon. C'est comme un automatisme. Cependant, j'ai aussi un peu trop de fierté alors il me paraît hors de question que je me plie à mieux lui parler pour lui reposer la même question devant ces potes, car je sais pertinemment que ceux-ci se moqueront de moi et que cela m'énervera plus qu'autre chose. 

    Je m'éloigne donc, sans avoir échanger un mot, au final avec Ethan. Je n'arrive pas à lui parler normalement. Je n'arrive pas à lui parler gentiment... ou les rares fois où je l'ai fait, c'était quand j'ai senti une sorte de faiblesse chez lui. Faut-il vraiment qu'il soit triste ou mal à un moment donné pour que je puisse me montrer, au moins, un peu sympathique envers lui? 

    Je souffle. Pourquoi je me prend la tête pour ces détails, moi? Ce n'est pas comme si Ethan allait jouer un grand rôle dans ma vie. Après le lycée, je ne le verrais sûrement plus jamais, sauf si, par hasard, je le croisais dans une rue. Mais il est quasiment sûr que je ne lui parlerais plus parce que je ne suis pas du tout proche de lui, au final. Je lui ai plus parler pour le clasher que pour avoir de vraies discussion avec lui. Et j'en suis la seule fautive, je le reconnais mais je pense que j'ai du mal à l'assumer. 

    Finalement, je termine par parler à Ethan, seule avec lui mais plus tard, alors qu'il allait rentré chez lui. 

    "Tu vas me reprocher quoi cette fois? me dit-il avant même que je n'ai prononcé un mot, sur un ton méfiant. 

    Suis-je si désagréable pour mériter qu'il s'adresse à moi de cette manière? 

    -Je n'allais rien te reprocher alors calme toi. Je voulais simplement te poser une question.

    Ethan me regarde et semble un peu s'en vouloir de m'avoir parler de cette manière. S'il culpabilise, tant mieux. Il me dit qu'il m'écoute. 

    -Sais-tu ce qui se passe avec Anna?"

    Il fronce les sourcils. Il ne voit pas de quoi je parle car il n'a rien remarqué. Je lui expose alors l'air rêveur d'Anna et sa façon d'être un peu étrange. Il m'écoute avec attention sans prononcer un seul mot. Par la suite, Ethan m'assure qu'il mènera sa petite enquête, car comme moi, le fait qu'elle cache quelque chose ne plaît pas à Ethan.

    "Tu t'inquiètes autant pour elle? 

    -Je n'ai pas envie qu'elle se fasse avoir. Ce jeu est tellement pourri qu'il pourrait la détruire. 

    -Tu ne penses pas exagérer ? me demande Ethan. 

    -Absolument pas. Elle a prit confiance en elle. Si jamais elle venait à se sentir blesser, je crains qu'elle perde tout ce qu'elle a accumulé cette année."

    Ethan semble réfléchir à mes paroles pour en venir à la même conclusion que moi: si Anna a gagné en confiance en elle, si un joueur, et part là, nous pensons à Léo, s'avisait de lui faire du mal, elle pourrait se sentir tellement blessée que ce serait retour à la case départ, voir même pire.

    Je dis à Ethan que je ne compte pas l'importuner plus longtemps afin qu'il rentre chez lui. Alors que j'allais le laisser, il me retiens en m'interpellant:

    "Hé! Mathilda! 

    Je me retourne vers lui et lui répond: 

    -Oui? 

    -Je t'invite au cinéma samedi! "

    J'ai la soudaine envie de l'étriper vivant et de l'insulter... Bon, ça, en revanche, je le fais déjà à longueur de journée dès que j'en trouve l'occasion. Je lui crache quelques noms d'oiseaux, encore plus énervée par son regard amusé et son sourire narquois. Bien sûr que je vais accepter. Je suis obligée puisque, selon les stupides règles du jeu, je dois accepter les rendez-vous qu'il me propose. Je pourrais refuser mais ce serait m'exposer à des représailles, ce que je préfère éviter. 

    Le reste de la semaine passe assez rapidement, je dirais même très rapidement. Anna est toujours aussi secrète et dans ses pensées. Je m'imagine tellement de scénarios que je m'exaspère moi-même de partir aussi loin dans mes délires. J'ai bien trop d'imagination. Si les gens savaient ce que je pense des fois, il me semble que je leur ferais bien peur. 

    Toute la semaine, j'ai espéré avoir un empêchement samedi ou qu'Ethan en ait un. De cette façon, j'aurais pu parfaitement éviter notre sortie au cinéma. Cependant, mon vœu n'a pas été exhaussé. Et le samedi, je suis d'une humeur assez grognon. Je ne fais même aucun effort pour être un minimum jolie. Il vient me chercher devant chez moi avec sa voiture. Ethan va même jusqu'à sonner chez moi et à se présenter comme mon petit-ami devant ma mère. Il affiche sur son visage un grand sourire angélique. A cet instant, je lui lance un regard furibond. Je peux sentir presque les sueurs froides coulant sur son  dos face à mon regard. Je lui fais peur? Tant mieux !

    Une fois que nous sommes dans la voiture d'Ethan, je lui demande sur un ton plutôt sec pourquoi il est allé raconter un tel bobard à ma mère. Sa seule réponse est de me dire qu'il trouvait cela amusant. J'ai la subite envie de lui arracher son stupide sourire d'abruti. 


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  • Point de vue de Mathilda:

    Tout le temps du trajet, dans la voiture d'Ethan, je ne lui adresse pas la parole. Je regarde par la fenêtre, les bras croisés. Je lui montre clairement que je suis en train de bouder. Il doit, d'ailleurs, se sentir un peu mal à l'aise pour monter le son de la radio aussi fort... Ou alors, il est juste un peu sourd. 

    Quand enfin nous  arrivons u cinéma, et quand enfin, Ethan éteignit la radio, j'ai eu l'impression que je n'avais, tout simplement, plus d'oreilles. Nous sortons de la voiture.

    "Je te laisse le choix du film, m'indique Ethan.

    -Je m'en fiche... quoique non, celui qui dure le moins longtemps."

    En disant cela, je m'avance vers le programme et compare les durées des films. Ethan soupire d'exaspération mais cela m'est bien égal. Je n'ai pas à me monter agréable avec lui. 

    Une fois que j'ai enfin choisi le film, Ethan part nous acheter nos places tandis que je vais prendre du pop corn. Je ne sais pas s'il préfère le salé ou bien le sucré, du coup j'hésite entre les deux. Je grince des dents car je devrais n'en avoir rien à faire de son avis. Et voilà! Je me montre encore très cruelle avec lui alors qu'il me paye, ne l'oublions pas, une place au ciné. De ce fait, au final, je prend deux pots de pop corn de petites tailles, un sucré et un salé. 

    Alors que je cherche Ethan -mais où est-il passé cet abruti?- deux gars m'abordent. L'un deux est habillés d'un survêtement et l'autre sent la rose à, au moins un kilomètre à la ronde. Déjà, je ne supporte pas ce genre de gars. Les survêtements, c'est pour le sport et simplement pour le sport! Pourquoi les garçons s'entêtent-ils a en mettre en toute occasion? Je trouve que, non seulement, ça donne une impression de saleté mais cela fait surtout négligé... Et l'autre là... son stupide parfum va finir par me donner mal à la tête. 

    "Hé, t'es mimi, toi, me sourit le singe embaumant à des kilomètres à la ronde. 

    -Sûrement, je lui répond d'un ton sec. 

    -Oh! Sois pas timide, renchérit l'autre. T'es toute seule, on peut aller regarder un film avec toi, si tu veux? 

    -Non merci. Et je ne suis pas seule. 

    J'aperçois enfin Ethan qui tombe à point nommé! Je vais vers lui, en poussant un peu les deux macaques sans savoir vivre pour, ensuite, aller tenir la main d'Ethan, qui, n'ayant rien suivi, ne comprend pas mon geste. Je l'embrasse sur la joue et lui tend un pot de pop corn.

    -On y va mon chou? je lui demande avec une voix mielleuse. 

    Ethan reste bouche bée. Il ne me reconnaît pas. Les deux imbéciles jaugent Ethan pour voir s'ils ont leur chance ou non avec moi. Visiblement, Ethan est trop un beau gosse pour eux puisqu'ils laissent tomber et partent. Ethan, qui n'a toujours rien comprit, me regarde et me sourit si niaisement que j'en ai presque envie de rire. 

    -Tu sais, Mathilda, je trouve ça mignon ton côté un peu lunatique à l'instant. Je t'apprécie vraiment beaucoup.

    Là, c'est moi qui reste sans voix. Il me semble même que je rougis un peu.

    -Ethan... tu es vraiment con."

    Il écarquille les yeux devant le fait que je redevienne agressive. Je lui lâche la main et lui explique ma soudaine gentillesse à son égard. Il perd son sourire et prend un air assez blasé. Je lui lance également que je ne suis pas une cruche qui va tomber dans ses bras pour un simple cinéma. Il ne me répond rien et change de sujet pendant que nous nous installons dans la salle.

    "Au fait, pourquoi as-tu pris deux pots de pop corn? 

    -Je ne savais pas si tu préférais les sucrés ou les salés. 

    Il esquisse un sourire. Je ne le vois pas car je ne le regarde pas mais je l'imagine parfaitement. 

    -Les sucrés, me dit-il.

    -Comme moi."

    Ethan goûte ceux qui sont dans son pots et me signale que se sont les salés. J'hésite à lui proposer le prendre le pot que j'ai mais il me devance en me disant que ce n'est pas grave et qu'il aime quand même les pop corn salés. Puis, le film commence. 

    Quand il se termine, nous sortons de la salle et je plisse les yeux, me sentant un peu éblouie par la lumière du jour. Ethan me propose d'aller boire un verre dans un café à côté avant de me ramener. Ayant soif, je ne refuse pas. 

    Une fois que nous avons passé commande, Ethan décide de revenir sur ce qu'il s'est passé avant le film.

    "Tu pourrais t'excuser, me sourit-il.

    -Et de quoi? je m'informe en haussant un sourcils. 

    -Peut-être de m'avoir légèrement utilisé pour te sortir d'une situation? 

    -Hum... Pardon", je marmonne. 

     Il est vrai que présenté comme cela... je l'ai clairement utilisé. Et je n'en suis pas fière. 

    "Mais tu ne pensais tout de même pas que j'étais sincère? je lui demande.

    Il me regarde, d'un air gêné, en se grattant derrière la nuque. 

    -Bah... Honnêtement? Si un peu. J'ai pensais avoir une ouverture. 

    J'ai envie de lui frapper la tête avec un livre vraiment lourd... Quoique, ce serait affreux pour le livre. Je n'ai jamais été assez clair avec lui?

    -Ethan, écoute-moi bien et imprime bien mes paroles dans ton crâne: Jamais tu n'auras la moindre "ouverture" avec moi.

    Je lui souris.

    -Je n'ai aucune envie d'être ton plan B puisqu'Anna ne veut pas de toi. Et je n'ai aucune envie de m'attacher à toi en sachant parfaitement, qu'au final, la seule chose qui t'intéresse, c'est ça."

    Je lui mets mon bracelet sous le nez. Ethan ne répond rien puisqu'il n'a rien à répondre. Je n'énonce que la vérité et il le sait parfaitement. 

    Une fois nos boissons consommés, chacun paye sa part et nous partons. L'atmosphère entre nous semble s'être détendu et nous parlons, enfin, je lui parle, de manière déjà plus cordiale sur des sujets anodins. 

    Ethan me raccompagne chez moi avant de partir. Je lui adresse un signe de la main lorsqu'il s'en va. 

    Le week-end passe et il est déjà temps de revenir au lycée. J'ai passé le reste de mon week-end à bosser car nos profs s'amusent à nous mettre plein de contrôles en ce moment. J'ai des cernes pas possible sous mes yeux et je n'ai qu'une envie, alors que nous sommes juste le lundi matin: que le vendredi soir arrive à grands pas. 

    Anna a toujours autant l'esprit ailleurs ce qui me fait soupirer dès que je le remarque. 

    Le jeudi, je vais trouver Ethan. Il a dû interrogé Anna sur son étrange comportement. J'espère sincèrement qu'elle s'est confiée à lui. 

    "Alors? Tu as parlé à Anna? je l'interroge.

    -Ouais, me répond-t-il avec un sourire, les mains dans les poches. 

    -Et alors? 

    Il a décidé de me faire patienter le plus possible? Je suis certaine qu'il prend un malin plaisir à le faire. Je le lis dans son sale sourire narquois.  

    Point de vue d'Ethan:

    J'espérais que Mathilda oublie ce qu'elle m'avait demandé. Bien sûr que j'avais parlé avec Anna puisque je l'avais ramenée tous les soirs chez elle, après les cours. Et bien sûr que je savais la raison qui poussait Mathilda à s'inquiéter pour elle. 

    "Ce n'est rien de grave."

    Mathilda me regarde avec perplexité. Je ne peux pas vraiment lui en dire plus car sinon je devrais lui parler de la situation familiale de Léo. Or, celui-ci ne veut pas que cela se sache. En fait, Byron et moi sommes les seuls au courant avec Anna, bien évidemment, suite à un certain concours de circonstances imprévues. 

    Malheureusement pour moi, Mathilda insiste pour que je lui en dise plus. Je soupire. 

    "Mathilda, je ne peux pas vraiment t'en dire plus mais ne t'en fait pas.

    -C'est lié à Léo? me demande-t-elle.

    J'hésite alors à lui répondre avant de finalement le faire.

    -Oui. Mais rassure-toi, Léo ne lui a rien fait.

    -Comment peux-tu en être sûr.

    -Bon écoute-moi. C'est lié à un soucis qu'à Léo. Anna en a su la cause par accident et il ne veut pas que cela s'ébruite. Alors je ne te dirais rien de plus. Tu peux comprendre?

    Elle semble réfléchir quelques instants, les bras croisés.  

    -Oui, c'est suffisant pour que j'arrête de m’inquiéter, me sourit-elle. Merci."

    Je crois que je vais marqué ce jour d'une pierre blanche. Non seulement, elle me sourit de manière sincère mais, dans la foulée, elle me remercie. Je lui ébouriffe les cheveux comme si nous étions proches tous les deux mais j'arrête car je me rend compte que ce n'est pas le cas. Mathilda ne m'apprécie pas. Elle me déteste et ne me parle que par obligation ou intérêt. 

    Tout cela me rappelle les paroles qu'elle a eu, dans le café, après le cinéma. Elle s'est vue comme un plan B, passant après Anna. A vrai dire, je ne serais pas vraiment dire si cela est vrai ou non. C'est un peu stupide de ma part. J'ai aimé et il me semble que j'aime toujours Anna, malgré qu'elle ne veuille pas sortir avec moi... Je veux dire que les sentiments que j'ai pu avoir ne vont pas partir d'un seul coup. Est-ce que, de manière plus ou moins inconsciente, j'ai essayé de me servir de Mathilda pour l'oublier? Ou plutôt, aurais-je aimé me servir de Mathilda pour l'oublier? Elle ou une autre d'ailleurs. Je m'embrouille tout seul en suivant le fil de ma pensée. Et j'en finis par arriver à la conclusion que oui; me servir de Mathilda pour oublier et même, si je pouvais annihiler, ce que je ressens pour Anna m'aurait été bien utile. Mais le choix de Mathilda a aussi une autre raison : il était évident qu'elle me mettrait un stop. De cette façon, j'étais certain de tenté de me convaincre qu'Anna n'était rien de plus qu'une amie, sans culpabiliser d'avoir fait espérer une autre. Je m'étonne moi-même des raisonnements tordus que je peux créer dans mes pensées. 

    Oh, revanche, j'ai pu remarquer que j'avais accepté mon rejet. C'est compliqué d'oublier, ou plutôt ne plus aimer, une personne à laquelle on parle toujours.. Et ce que je ne voulais pas se produit... Je culpabilise d'avoir voulu me servir de Mathilda. 

    Point de vue d'Anna:

    Je sais que Mathilda s'inquiète pour moi. Et je sais également qu'elle est allée demander  à Ethan de faire une petite enquête. C'est lui qui me l'a dit. Bien entendu, je lui ai expliqué... De toute manière, il était au courant pour Léo. Je me sens inutile. J'aimerais faire quelque chose pour lui.. Mais ... quoi? Il n'y a rien que je puisse faire. 

    D'après Jenny, cela fait une semaine que Léo dort chez elle et Byron. Le problème est qu'il ne fait que fuir ses soucis. Il ne les affronte pas. Je ne suis sûrement pas la mieux placée pour le lui reprocher car, si j'étais dans la même situation que lui, il me semble que j'aurais, moi aussi, choisis de préférence la fuite. C'était une solution tellement simple... 

    Alors que nous avons fini les cours pour la journée, je vais à mon casier pour ranger mes affaires. Je compte rester un peu au lycée pour faire mes devoirs dans le calme. Et puis, de cette façon, Ethan pourra me ramener puisqu'il termine plus tard que moi. Je salue Mathilda. Je sais qu'elle a eu une conversation avec Ethan et qu'elle est à présent rassurée. J'aurais pu lui dire les même choses qu'Ethan mais je ne trouvais pas les mots qui m'empêcherait de lui révéler la séparation des parents de Léo. 

    Il y a plusieurs clubs dans le lycée et, leurs adhérents y vont très souvent après les cours. Je pense que j'aurais aimé faire du théâtre, pour prendre confiance en moi plus vite.... Oui, si je n'étais pas en terminale, j'aurais fait parti à coup sûr du club de théâtre. Si je ne m'y suis pas inscrite au début de l'année, c'est parce que je voulais utiliser mon temps libre pour étudier. 

    Je passe près de la salle de musique quand j'entend du piano. Habituellement, le club de musique n'est pas là à cette heure-ci et il n'y a pas de cours dans cette salle. Je ne pourrais pas mettre un nom sur la mélodie jouée, tout simplement parce que je ne m'y connais absolument pas en musique. Intriguée, je m'approche de la salle. La mélodie jouée est triste. Ce n'est pas une musique qui semble compliquée à jouer quand on s'y connait.. Et pourtant, elle m'émeut.  Elle fait naître en moi une sensation de nostalgie. Je reste là ... à écouter. Pendant que la personne joue, j'entrouvre la porte de la salle pour voir qui se trouve au piano. Je suis surprise d'apercevoir Léo. 

    Quelqu'un me tapote l'épaule et je me redresse en sursaut, faisant volte-face pour voir son cousin, Robin.

    "Qu'est-ce que tu fabriques? grogne-t-il.

    Robin me pousse et regarde à son tour. 

    -Léo joue du piano? 

    J'ai le don de poser des questions stupides par moment... 

    -Tu le regardais jouer?"

    Je hoche la tête car il serait vraiment bête de ma part de mentir alors qu'il m'a surprise. Robin ouvre la porte attirant ainsi l'attention de Léo qui s'arrête de jouer pour nous regarder. 

    "Qu'est-ce que vous faites là? 

    -J'allais en cours quand je l'ai vu pencher vers la porte, l'informe Robin.  Bon, du coup, j'y vais, je suis déjà en retard. 

    Robin détale plus vite qu'un lapin. Et je me sens un peu bête de me retrouver là. Voilà où me mène mon imbécile de curiosité. 

    -Je ne savais pas que tu jouais du piano. 

    -J'aurais dû te le signaler? me demande-t-il en haussant un sourcil. 

    Je secoue la tête. Je peine à trouver quelque chose à lui dire. 

    -Euh... c'était une belle mélodie.

    Il garde le silence plusieurs secondes avant de me répondre:

    -Merci, c'est ma grand-mère qui me l'a appris.

    Voyant probablement que je ne suis pas spécialement à l'aise, Léo soupire et me propose que de rentrer dans la salle, au lieu de rester au niveau de la porte à attendre bêtement. 

    -Est-ce que j'ai le droit?

    Il soupire de nouveau et lève les yeux vers le plafond. 

    -Si je suis là, tu dois bien avoir le droit d'entrer, non? La salle n'est jamais fermée à clef. "

    J'entre et je pose mes affaires sur une table. Léo me dit de faire ce que je veux tandis qu'il se remet à jouer. Je m'assois à la table avec l'intention de faire mes devoirs ici mais j'en suis incapable. Je suis incapable de me concentrer parce que j'ai envie d'écouter le piano. 


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  • Point de vue d'Anna:

    Le piano est vraiment l'instrument que je préfère. C'est peut-être un peu commun et cliché mais j'aime vraiment les sons produits par cet instrument. Il y a une certaine harmonie qui me touche plus que lorsque j'entend un autre instrument. Et puis, Léo sait jouer du piano. Il ne fait aucune fausse note aux intonations disgracieuses. Je l'écoute tandis qu'il laisse ses doigts glisser avec maîtrise et légèreté sur  les touches. 

    Mon regard passe du piano à celui qui en joue. Léo a une expression impassible sur le visage. Il regarde avec concentration ce qu'il fait. Il me parait alors, en ce moment précis, déconnecté de la réalité. Je suppose que c'est une manière pour lui de décroché de son quotidien. Une façon qu'il a trouvé pour s'échapper de ce qui le blesse intérieurement. Je souris tristement, me sentant triste pour lui. Je ne voulais pas ressentir de la compassion à son égard car, je sais, qu'il le prendrait mal. 

    Soudain, Léo s'arrête de jouer et se met à regarder dans ma direction. 

    "Je rêve ou tu es en train de me mater? me demande-t-il en souriant d'une façon malicieuse. 

    -Pas du tout!" je m'empresse de lui répondre.

    Bon... je ne le dirais pas à haute voix mais c'était un peu ce que je faisais à l'instant, non ? Son sourire s'accentue dévoilant sa dentition. Je n'avais pas remarqué ce genre de détails avant. Mais les dents de Léo ne sont pas d'un blanc immaculé. Elles ne sont pas jaunes non plus. En fait, il a une belle dentition même si elle ne correspond pas vraiment aux descriptions qu'on peut lire dans les livres aux aspirations de romances. 

    Je le scrute réellement pour la première fois. C'est un beau garçon, personne ne peut dire le contraire. Mais, comme tout le monde, il est loin d'être parfait. Quand il sourit, il y a un côté de sa lèvre qui se lève plus que l'autre. A bien y regarder,  il a aussi un sourcils plus bas que l'autre. Ce sont des détails qu'on ne remarque pas aux premiers abords d'une personne. Ces détails confèrent tout de même à Léo quelque chose que la perfection, si elle existait, ne lui donnerait pas. C'est par ses imperfections qu'il a du charme, qu'il émane de lui ce quelque chose qui fait craquer autant les filles qu'il a pu séduire par son physique. 

    "Tu comptes me fixer longtemps, Anna? Je sais que je suis beau gosse et que, finalement, tu en pinces pour moi même si tu ne l'avoues pas mais bon... C'est un peu gênant que tu me regardes de la sorte.

    J'allais m'excuser quand je prend conscience de ce qu'il vient de dire juste avant.

    -Pardon? Tu ne m'intéresses pas du tout. Tu devrais l'avoir compris... 

    Je n'aime pas ce Léo qui prend tout à légère, qui donne une impression de supériorité face aux autres et qui ironise en se moquant de tout. Et si je ne l'apprécie pas, ce Léo-ci, c'est parce que c'est celui que tout le monde connait. Un vulgaire masque derrière lequel il s'est caché depuis trop de temps. En fait, je déteste ce Léo-ci puisqu'il ne reflète pas véritablement Léo. 

    S'approchant de moi, il me sourit d'un air innocent et s'arrête juste devant moi.

    -Allons, Anna, tu n'as aucune conviction dans ce que tu dis et ton regard vient de te trahir. Avoues le au moins.

    -Avouer quoi, Léo? Te dire que tu n'es pas désagréable à regarder? Et bien, si c'est ce que tu veux, soit! Tu est beau. Mais à quoi cela t'avance-t-il que je te le dise? Tu le sais déjà que tu l'es. Tout le sait et tout le monde le voit et, je suppose, que ce compliment, tout le monde te le dit. Et ce n'est pas parce que tu as un physique plaisant que tu m'intéresses pour autant. Alors, pour répondre à ta question, non, tu ne m'intéresses pas, Léo. Là, tu transpires l'arrogance que tu gâches tout, tout seul . A t'entendre, il suffit que tu sois beau pour que tu me plaises mais ce n'est pas le cas.

    Je n'ai pris aucune pincettes cette fois-là. Et il me semble que c'est aussi la première fois que je dis tout ce que je pense de manière aussi direct à quelqu'un. Surtout que ce n'est pas du positif. Léo ne semble pas en revenir non plus. Il me fixe comme si j'étais un OVNI. Et je dois dire que cela m'embarrasse. Il décide enfin de me répondre après trop de secondes silencieuses. 

    -Décidément... quand je te parle, tu me donnes des leçons de morale qui vont de façon crescendo. A quand le volume de 300 pages? 

    Je suis abasourdie. Il arrive encore à faire de l'humour?

    -Toutefois, poursuit-il, je vais peut-être trop loin. T'as raison, Anna, les meufs, elles me tombent dans les bras et me pardonnent parce que je suis attrayant physiquement parlant. Et t'as raison aussi sur le fait que j'en ai parfaitement conscience. Par contre, tu es de mauvaise fois en osant dire que je n'intéresse pas le moins du monde. La preuve en est: tu as appris certaines choses sur moi que personne ne devaient savoir et tu t'es inquiété. Oh? Tu croyais que je ne l'avais pas remarqué? Je suis peut-être dans une mauvaise passe où j'apprécie la solitude mais j'ai des yeux et je vois tout. Si je n'étais pas aussi arrogant, comme tu le prétends, est-ce que ta réponse serait la même.

    -Non. Mais elle ne changerait pas le résultat.

    Il me regarde en haussant un sourcil alors je continue:

    -Je ne suis pas intéressée par un mec qui me ridiculiserait pour juste gagner un stupide jeu en ignorant le mal qu'il provoque autour de lui."

     Léo ne réplique pas. Les traits de son visage ne trahissent aucune émotion. A quoi pense-t-il ? Son impassibilité est perturbante. Je le fixe avec une certaine incompréhension. 

    Soudain, Léo se rapproche encore jusqu'à ce qu'il ne reste que quelques centimètres entre nos deux visages. Il est si près que je peux sentir son souffle sur mes joues. Je peux distinguer les nuances de bleus, qui semblent danser, dans ses pupilles. Il me regarde droit dans les yeux. Je sens mes joues s'empourprer et mon corps, tout entier, se raidir, par crainte de la suite que je ne pense que trop bien deviner...

    Léo se rapproche encore plus tandis que je n'ose pas bouger. 

    "Léo..."

    J'allais lui demander de s'éloigner pour reprendre une distance plus convenable entre nous mais il ne m'en laisse pas le temps en posant un doigt sur ma bouche, coupant court à mes paroles. Il caresse ensuite mes lèvres du bout de ses doigts avec une douceur que je ne lui savais pas. 

    Mon coeur tambourine dans ma poitrine à faire rompre ma cage thoracique. J'ai l'horrible impression que plus aucune pensée censée n'arrive à trouver son chemin jusqu'à mon cerveau. La façon dont me regarde Léo me chamboule de l'intérieur. J'ai la désagréable sensation de me sentir fondre. 

    Il se rapproche encore et nous ne sommes séparés plus que par quelques millimètres insignifiants. Par pur réflexe, je ferme les yeux. 

    Rien ne se passe. 

    Je rouvre mes yeux et je constate, avec bonheur? Amertume? Je ne sais pas vraiment, en fait... que le visage de Léo s'est éloigné du mien et qu'il me regarde légèrement de haut. Un instant, je crois lire dans son regard une sorte de déception comme si je n'avais pas réagi de la bonne façon. 

    "Anna, tu ne croyais tout de même pas que j'allais t'embrasser? me lance-t-il sur un ton sarcastique. 

    Mes pommettes sont écarlates et mon coeur refuse de reprendre un rythme normal. Oui, j'ai cru qu'il allait m'embrasser. Aucun son correct ne sort de ma bouche, je bafouille de manière idiote et quand j'arrive, enfin, à aligner quelques mots, ceux-ci forment une phrase sans aucun sens. Il me regarde d'un air de réprimande. 

    -Tu vois? Ce que tu m'as dit n'est que du vent. Je ne t'intéresse pas et pourtant, alors que j'aurais pu t'embrasser, tu t'es laissée faire.

    -Je..

    -Tu quoi? Tu vas me dire que c'est faux? Et si tu le disais, qui penserais-tu le plus convaincre de nous deux? Moi ou toi?

    Il me regarde, à présent, avec des yeux furibonds, comme s'il m'en voulait. Je baisse le regard, ne supportant pas de soutenir le sien. J'essaye également de cacher mes joues rouges.

    -Tu te crois peut-être différente des autres mais tu es pareil. Finalement, il suffit de peu pour t'avoir. T'es pas différente ni d'Amandine, ni de Kim, ni des autres filles que j'ai pu mettre mon lit, ni de mère."

    Le ton de sa voix me glace le sang. Plus il fait son énumération, plus je sens de la colère dans le timbre grave de sa voix. Il m'observe quelques instants en silence, guettant ma réaction alors que je retiens mes larmes en sentant une chaleur des plus désagréables me traverser. 

    Léo tourne les talons, prend son sac resté près du piano, et part de la salle de musique, me laissant. 

    Je ne retiens plus les quelques larmes qui ne tardent pas à perler sur mes joues. Je suis en colère contre lui de me comparer à Kim ou ses conquêtes d'avant ou même de m'assimiler à sa mère qui l'a laissé tomber en partant avec un homme, autre que son père. Ethan me l'a précisée. Et puis, je suis aussi en colère contre moi-même. Parce que je refuse l'avouer mais je ne suis pas indifférente à Léo. Je ne suis qu'un pantin qu'il aurait pu si facilement manipulée quelques minutes plus tôt. Je suis en colère qu'il me plaise. Comment en suis-je arrivée là? Je me suis laissée attendrir en découvrant d'autres facettes de lui. Des facettes qu'il cache. Et je me déteste de m'être laissée attirer par Léo parce que je sais que, maintenant, je vais en souffrir. 

    Lorsque la sonnerie de fin d'heure retentit. Je me hâte d'essuyer les quelques larmes encore présentes sur mes joues. Puis, je prends mes affaires avant de quitter la salle de musique. Je ne sais pas de quoi j'ai l'air mais sûrement que cela se remarque que je n'ai pas une bonne mine. Je rejoins le parking pour attendre Ethan. 

    Dès qu'il arrive, il me fixe avec un air étonné.

    "Qu'est-ce qui t'es arrivé? me demande-t-il en ouvrant la voiture et qu'on y monte. 

     -Rien. 

    Il soupire avec un certain agacement. 

    -Ton mascara te fait des yeux de pandas. Et tu as les yeux rouges. 

    J'ouvre le pare-soleil du côté passager où il y a un miroir.. Il a raison. Je comprend maintenant pourquoi quelques élèves m'ont regardé comme si j'étais une extraterrestre. Il ne démarre pas.

    -Dis-moi ce qui t'as fait pleuré et ensuite, je te ramène?

    -Et je n'ai pas envie d'en parler? 

    -Ce n'est pas mon problème. Tu me le dis quand même. "

    Je regarde Ethan. Il ne plaisante pas. Il ne me lâchera pas. Je soupire et lui explique brièvement, le moins possible, ce qu'il s'est passé dans la salle de musique. Il démarre sa voiture. Je l'entends grincer des dents et marmonner quelque chose que je ne comprend pas. Je lui demande de répéter.  

    "Je vais lui foutre mon poing dans la gueule pour t'avoir fait pleurer."

    En cet instant, la proposition d'Ethan est fortement tentante. Mais je lui demande de ne pas s'en mêler. Ethan me regarde, contrarié. Je n'ai pas envie de créer d'histoires et Ethan se bat avec Léo... c'est tout simplement mal parti. 

    De plus, la fin de l'année approche à grand pas, ce qui signifie que ces stupides jeux vont, eux aussi, se terminer, d'ici environ deux mois. 


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